Les gens de ma classe, ils m'aiment plutôt bien, je crois. Je ne fais pas d'histoires. Je ne donne jamais de la voix pour imposer mon avis. Je ris aux blagues. Ça suffit pour être accepté. Surtout que je n'en demande jamais davantage. Ce que je veux, c'est faire partie d'un tout – mais sans qu'on s'adresse à moi de façon personnelle.
Je sais, c'est impossible.

Aurélien, le narrateur, n'a qu'un désir : se faire oublier, passer inaperçu, n'intéresser personne…
Alors, quand Thibaud ("avec un d") s'approche de lui, l'émotion est trop forte. Thibaud, c'est le roi du lycée, le garçon souriant et charmeur à qui tout réussit.
Thibaud, c'est un mec extrêmement agaçant pour des lycéens comme moi. C'est le genre de gars cool, copain avec tout le monde, qui doit avoir vingt mille amis sur Facebook, bien vu des profs sans fayoter outre mesure, profs qui soulignent qu'il est sympathique mais ne donne pas la pleine mesure de ses possibilités.
Être l'ami de Thibaud, c'est devenir l'ami de tout le monde, s'intégrer au groupe, intéresser les autres…

Masi justement, c'est ce que redoute le plus Aurélien. Entrer en communication avec les autres, briser ce mur de glace qui l'isole depuis quatre ans. Il se demande pourquoi Thibaud s'intéresse à lui et veut devenir son "brise glace"…

Jean-Philippe Blondel signe ici un livre autour du secret. Dès les premiers chapitres, on sait qu'Aurélien n'a pas toujours été ce garçon farouche et émotif. Quatre ans plus tôt, il habitait ailleurs, avait des amis, riait avec se parents, s'intéressait à tout… Pourquoi s'est-il ainsi enfermé dans une tour d'ivoire, hors de portée de ceux qui l'entourent ?
Thibaud lui, vit seul avec son père et la relation est assez difficile, quasi inexistante. Mais il a tous les amis qu'il veut, genre Brice de Nice au début du film. Pourquoi insiste-t-il autant pour entrer en relation avec Aurélien ?
Mystère, mystère…

Un autre thème important de ce roman est l'écriture. Le livre s'ouvre sur un devoir de français dans la salle G124 autour de la reproduction d'une peinture de 1818. "En vous inspirant de l'atmosphère du tableau de Friedrich, imaginez le voyage dont rêve le personnage"… C'est ce sujet qui va servir à Thibaud pour commencer à briser la glace.
Plus tard, il y aura le slam auquel il va initier Aurélien dans un bistrot de la ville. Il y aura aussi les SMS avec Thibaud mais aussi avec Léa : À partir de là, la nuit est occupée par des vrombissements et des lueurs - les SMS ont révolutionné la drague. Il n'y a plus de silences, à l'autre bout du fil. Il n'y a plus la voix qui s'éraille un peu et le souffle dans l'écouteur. Il n'y a plus que des bruits d'insectes qui vibrent dans l'air. Et des conversations où manquent des voyelles. Il y a aussi des textes et des lettres. Tout ce qu'on ne peut pas dire de vive voix…

C'est aussi un roman autour de la culpabilité et cela n'est pas sans rapport avec un autre roman du même auteur, pour adultes cette fois et très autobiographique, qui paraît aussi en cette rentrée 2011, dont le narrateur se remet mal d'un souvenir vieux de…quatre ans, un roman dont le titre, Et rester vivant, aurait aussi très bien convenu à celui-ci. Mais Brise glace, c'est bien trouvé et colle parfaitement au sujet. Un livre fort et émouvant qui devrait passionner les ados.