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Carin GERHARDSEN


Hanna était seule à la maison


Dans ce deuxième roman de Carin Gerhardsen, nous retrouvons les policiers du roman précédent, La maison en pain d'épices. Le commissaire Conny Sjöber et l'inspectrice Petra Westman. Tous les deux reviennent sur la scène principale, car ils vont être confrontés à deux affaires concomitantes : deux cadavres dans des lieux différents.

Une jeune fille est trouvée étranglée sur un ferry qui fait la liaison entre Stockholm et la Finlande. Et l'inspectrice Petra voit son jogging matinal interrompu par la découverte d'un bébé en hypothermie, dans un buisson, et à quelques pas de là, elle trouve le cadavre d'une femme sans aucun papier d'identité.

A part le prologue qui décrit des faits se passant en 1964 – "Cela ne sert plus à rien de fermer les yeux il essuie le filet de bave qui a maintenant atteint l'oreille. Et puis la main froide et osseuse se glisse à l'intérieur de sa veste de pyjama." – et veut certainement nous donner un élément de compréhension à propos d'un personnage, ou alors nous emmener déjà sur de fausses suppositions, le roman se déroule en septembre 2007 du vendredi soir au mardi soir.

Deux situations, deux peintures de milieux différents. Avant son meurtre sur le ferry, nous voyons évoluer la jeune Jennifer dans sa famille : une mère manifestement en grande difficulté, une jeune sœur adolescente qui voudrait ressembler à son aînée et pour cela adopte un comportement inquiétant, voire dangereux. Jennifer a un petit copain plus âgé, mais apparemment moins déluré et qu'elle semble utiliser lorsque cela l'arrange. "D'abord elle fait semblant de ne pas le voir. Jocke ne sait pas comment le prendre, ni ce qu'il doit faire, mais décide finalement d'avancer vers les filles en simulant une démarche insouciante. Jennifer commence par l'ignorer, puis finit tout de même par lui accorder un regard."

Il y a aussi sur ce ferry des personnages qui sont évoqués avant et après le meurtre, et nous allons essayer avec le commissaire de comprendre ce qui a bien pu se passer. D'autres aussi, dont nous découvrirons la présence plus tardivement et nous interrogerons sur leur clandestinité. Le commissaire Sjöberg est perplexe.

Quant à la jeune inspectrice, son patron étant occupé sur le ferry, elle se voit confier la responsabilité de découvrir qui est cette jeune femme et bien sûr l'auteur de son meurtre.

Et là commence un suspense angoissant, distillé avec beaucoup d'habileté. En effet nous apprenons le samedi soir qu'une toute petite fille se trouve toute seule chez elle : "Son estomac crie famine à présent. Comment sa maman a-t-elle pu aller s'installer ailleurs avec Lukas sans lui laisser quelque chose à manger ? Parce que c'est sûr qu'ils sont partis pour toujours [...] ils ont vraiment disparu pendant qu'elle dormait. Elle l'a toujours su, sa maman n'aime que Lukas. Même s'il ne fait que vomir et hurler."

L'enquête bien que minutieuse, avec très peu d'éléments au départ, va être difficile et les recoupements hasardeux, et va donc prendre un certain temps. Ainsi une sorte de course contre la montre s'engage et notre inquiétude va crescendo – tout en fluctuant (pour mieux nous accrocher) – avec les descriptions de ce que vit cette petite fille. "Sa crotte tombe sur le tapis presque sans qu'elle s'en aperçoive. Il faut qu'elle fasse plus attention et utilise les toilettes. Sa maman lui a répété de nombreuses fois, jusqu'à présent sans succès. Mais elle a dû faire face à tellement de choses, ces derniers temps."

L'inspectrice met tout en œuvre pour trouver l'identité de cette femme et de son bébé, et ce, avec beaucoup d'énergie, mais une journée passe encore et on se demande comment cette toute petite fille va se nourrir. "Elle se met à genoux sur la chaise de cuisine de son papa, déchire l'isolant et le reste de l'emballage. […] les petits morceaux sont faciles à manger. Ils décongèlent rapidement dans sa bouche, libérant un goût qu'elle connaît bien." Mais l'auteure qui sait si bien jouer avec nos nerfs, nous rassure parfois, la petite fille semble dégourdie, elle téléphone et décrit à quelqu'un sa situation, mais cette personne n'a que peu d'éléments pour convaincre la police… Le téléphone peut aussi être une source de danger quand il sonne : "Ma maman a une nouvelle maison, mon papa est à l'étranger et moi je suis toute seule ", "Viens m'aider, je suis tombée et je me suis fait mal"… On ne peut s'empêcher de penser au pire.

Les deux enquêtes nous amènent à rencontrer des personnages secondaires qui vont devenir importants, ou au contraire s'effacer, faisant alors office de figurants (provisoires ?). Etudiées tour à tour vont-elles montrer un point commun ? De fausses pistes en recoupements, de croisements en convergences, Carin Gerhardsen, mine de rien nous promène.

Nous restons aussi, comme dans son premier roman, attachés aux personnages des policiers à la vie plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord, mais c'est justement cette humanité qui nous les rend intéressants.

Le style est personnel et la narration le plus souvent au présent avec une certaine tension dans le rythme des phrases, sans que l'on puisse mieux respirer, même lorsque certaines pages traitant de données policières ou scientifiques semblent être disposées ça et là pour calmer notre angoisse. Car jusqu'à la fin du roman, nous tremblons pour cette petite Hanna, qui nous charme mais dont le sort nous effraie au fil des pages. La construction participe évidemment à cette montée du suspense et ne nous permet pas d'abandonner la lecture avant la fin !

Ensuite, reposés, nous ne pourrons qu'attendre le troisième roman. Car l'auteure habile, là encore, a laissé quelques éléments à découvrir dans la vie de nos deux policiers…
A suivre donc…

Anne-Marie Boisson 
(05/04/12)    



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Noir & polar









Editions Fleuve Noir
(Février 2012)
348 pages - 19,90 €


Traduction :
Charlotte Drake
Patrick Vandar







Carin Gerhardsen

née en 1962, mathématicienne de formation, a mis sa carrière de consultante en informatique entre parenthèses pour se consacrer entièrement à l'écriture. Elle vit à Stockholm.








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le roman précédent :
La maison
en pain d'épices




Repris en 10/18
Février 2012