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Rolland HÉNAULT


Le fond de l'air est bleu



La première de couverture de ce livre annonce Une enfance en Champagne berrichonne et, d'entrée de jeu, le lecteur contemporain, devenu méfiant des définitions du type court résumé et bonne accroche, y associe les souvenirs de ce petit Berrichon avec le concept de "France profonde". Cette interprétation ne se révélera pas fausse lors de la lecture mais très vite elle va apparaître réductrice pour ce petit chef-d'œuvre de sensibilité communicative.

Le livre fait une excellente description des anciennes familles paysannes de cette région dont la capitale est Issoudun ; mais plutôt que décrire ce jadis dans une accumulation de détails souvent évoqués dans les nombreux textes consacrés au pays du Berry, l'auteur les suscite par petites touches successives et, tout en les suggérant à la façon des impressionnistes, il nous plonge dans un ressenti profond qui prend aux tripes.

Éléments évoqués en courtes phrases, ils vont d'un vécu familial rustique et pudique au récurrent saisonnier rythmant la vie paysanne et à l'initiation scolaire où les mots de l'instit' étonnent et séduisent l'élève attentif de l'École Républicaine. Parmi d'autres très bien typés, deux personnages qui touchent profondément vont provoquer à jamais le petit garçon sensible et imaginatif.

Le grand-père définitivement marqué par les tranchées de la guerre 14-18 où, comme l'écrivait Dorgelès, on assassinait des hommes. Comme d'autres provinciaux et des colonisés de fraîche date, ce pépé avait été mobilisé pour tuer ceux d'en face mais il avait gardé son couteau civil qui fut le compagnon du meilleur du pire et qui devient ici une métaphore heureuse. Son message final souligne l'optimisme pacifique : On a fait la dernière guerre, c'est pour qu'il y en ait plus jamais.

Et puis une irremplaçable maman est déposée un jour dans le caveau de la famille. Il n'a que dix ans mais les yeux bleus de la disparue vont l'accompagner des décennies. "Ils ne m'ont jamais oublié, jamais trahi !"

Le fond de l'air est bleu illustre évidemment l'aphorisme la jeunesse… on met la vie à s'en remettre que Rolland Hénault va très heureusement mettre en musique. Et que le petit Berrichon va conclure d'une interrogation douloureuse : Maman… pourquoi on vit ?

L'essentiel est dit.

Chez cet écrivain aux capacités aussi contrastées que complémentaires qui savent aller d'une expression libertaire assumée à une langue heureusement rabelaisienne, les douleurs enfantines vont évidemment provoquer toute la gamme de ces émotions fortement ressenties mais pas faciles à exprimer. De plus, dans ce livre que nous recommandons, la concision du style cerne avec force et précision les indignations accompagnatrices, les étonnements erratiques de l'enfance et les tendresses refoulées.

C'est ainsi que Rolland Hénault s'inscrit définitivement dans l'univers des gens de plume qui ont vraiment quelque chose à dire. Et qui le disent bien.

L'expression d'une sensibilité à fleur de peau pour les "manquants de pot" d'un vingtième siècle trop chahuté, célèbre ainsi des gens qui trimaient fort pour assurer la matérielle. Nos papas et nos mamans. Certains d'entre eux étaient parfois un peu bruts de fonderie comme le disent sans élégance certains prétentieux du bulbe mais dans le même temps ils assumaient leurs responsabilités et transcendaient discrètement leurs bleus à l'âme.

Tout cela me picote les yeux même si l'évidente vis comica de l'auteur accompagne son émouvant témoignage.

Claude Chanaud 
(22/10/11)    



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Lectures











Éditions Alan Sutton

160 pages - 12 €








Rolland Hénault,

écrivain, journaliste,
parolier (pour Elizabeth),
est l'auteur d'une
vingtaine de livres.




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http://perso.orange.fr/
patrick.guibouret/guimou/
rolland.html








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