KALOUAZ

Geronimo,
dans ma poitrine un nuage s'endort



Geronimo, le frère du narrateur, a pris pour idole son illustre homonyme. Comme les anonymes noyés dans la masse, il n’a pas de prénom mais un idéal, persuadé que poésie et violence doivent être intimement liées.

Le soir me dit mon frère, je ne lis plus, par paresse je change de chaîne de télévision. De toute part, des tentes dressées dans le vent et le froid. Enfants aux yeux cernés devant la caméra. Un jour en Bosnie, un autre en Arménie, plus tard en Algérie. Et toujours, ce sentiment qui s’éteint vite. L’envie de soulever ce monde, et la misère dans les rues. Ce matin au Pérou, ce soir en Ethiopie, demain dans la Chine silencieuse. Ils ont inventé les images qui font froid dans le dos, les hommes aux échines courbées, les femmes qui implorent.

Des camisards aux convois de Drancy, le poète rebelle convie ses amis, les Indiens massacrés par le général Custer, et reprend à son compte la révolte des affranchis.

La révolte est affaire de slogans. Langue Cheyenne, langue créole, langue du poème caché au creux de la paume. Mots pour traverser la nuit de Treblinka, ou…

Un petit livre de 72 pages sur les guerres, toutes, les opprimés, les injustices. Un cri qui s’échappe. Une errance solitaire à travers la vie, la mort, le monde qui s’égare.

Au hasard d’une rencontre, un gars s’est fait tirer trois balles dans le buffet, au coin d’une rue, parce qu’il demandait une cigarette à un passant armé.
Un qui allait à son travail de cow-boy et ne supporte pas de voir les pauvres dormir sur les trottoirs. Un de ceux à qui ça fait bouillir le sang, lever la main comme un fasciste, et se raser le crâne à la façon martiale.
Tueur d’Indiens sans doute comme Abraham Lincoln le vénéré.


Mais, ici et là, à peine, un peu d’enfance, de complicité, de sentiment ou de soleil dans les herbes au fil de l’eau.

Un récit étrange qui se déguste tant la langue est belle, qui emporte tant son énergie vitale est forte, qui trouble tant il rejoint, parfois, notre propre malaise.

Rien ne dure que cette plaie qui nous tourmente…

Un texte fait d’ombre et de lumière, foisonnant, original, où l’envie vous prend de vous arrêter parfois pour relire quelques lignes, qui vous parlent si bien, que l’on aurait aimé écrire où dire.
Un pur moment de révolte pris dans toute sa pureté et exprimé dans un grand vent de puissance poétique.

Dominique Baillon-Lalande 

***************

Geronimo, ne s’endort jamais. Il lutte. Traqué, il se débat face à ceux qui veulent l’anéantir. Voilà le combat du personnage de Kalouaz.

Le narrateur cherche son frère dans la ville qui s’est « probablement fait lever cette nuit par la police. On l’appelle aussi Geronimo, mon frère, roi de la peinture de guerre, passant son temps à faire le rebelle, plumes en bataille, assoiffé de déroutes. »

On se perd parfois dans le texte de Kalouaz comme le personnage se perd dans sa vie. Dans la poésie des mots, nous retrouvons l’un des thèmes récurrents de Kalouaz, l’absence. Le manque de l’être aimé, la sœur, le frère, la compagne, le père… « Rien ne dure, sauf cette plaie qui nous tourmente […] Injustice minime, ou grands coups de vice, la vie, c’est un sentier de guerre, Geronimo ne l’oublie jamais. »

Une errance au fil des mots pour sinuer à la recherche du bonheur. Le frère attend le père qui ne viendra pas, le frère s’effraie de ce qu’il voit à la télévision et qui fait froid dans le dos, le frère se révolte contre les injustices : « Il y a tant à faire à travers l’Histoire. Les bouchers et les bourreaux sont sous toute latitude, de toute époque. » Le « frère n’oublie rien, il juxtapose ses bonheurs, ses amours, ses misères » et s’évapore dans sa quête.

Un superbe texte de Kalouaz qui, par petites touches impressionnistes, donne à voir l’humain dans toute sa richesse d’amour, de poésie et de révolte.

Brigitte Aubonnet 



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Ed. Le bruit des autres
72 pages, 8 €


www.lebruit
desautres.com




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