Après avoir débarrassé Trébeurnou du violent escogriffe de deux mètres de haut qui terrorisait les habitants avec son tracteur surdimensionné (Te souviens-tu de Soiliko’o ?), le capitaine Mary Lester ne pensait pas devoir enquêter si rapidement dans le même village du nord Finistère mais le sort en décide autrement.
Raoul Florent, un ancien maire, a été abattu de cinquante coups de fusil de chasse dans la cour de sa ferme.
Le suspect, un pisciculteur nommé Léon Martin, a été arrêté près du corps, l’arme à la main, et transféré dans une clinique psychiatrique.
Une affaire toute simple pour les gendarmes mais dont les circonstances semblent bien étranges pour la soupçonneuse Mary. Trop d’évidences tuent l’évidence !
Ses questions sèment le trouble dans la maréchaussée. Seraient-ils allés un peu vite dans leurs conclusions ?
Pour Mary Lester, l’homme était déjà mort quand le pisciculteur s’est acharné à le transformer en bifteck haché.
Mais alors qui serait le meurtrier ? Les candidats ne manquent pas, Raoul Florent n’était pas très aimé…
Comme d’habitude, nous prenons beaucoup de plaisir à suivre l’intrépide capitaine dans son enquête. Elle interroge, visite, s’imprègne de l’atmosphère du village, des conflits qui l’agitent…

Un personnage peu sympathique du roman est mademoiselle Niche, une syndicaliste. D’abord elle a une voix à beugler des chansons révolutionnaires dans les meetings et, en plus, elle cache sa fortune pour jouer à la militante populaire. « Mademoiselle Niche occupait un poste de direction au sein du mouvement syndical d’une grande entreprise nationale. Il n’eût pas été de bon ton qu’elle reçût les journalistes et les camarades du mouvement dans une villa de milliardaire. Donc, en fait, cet appartement était son bureau. Dans cette cité, elle pouvait montrer une image plus conforme à son statut de représentante des prolétaires et des damnés de la terre. » Une vilaine sournoise dont les activités pourraient avoir des effets embarrassants pour le lieutenant Fabien : « Il imaginait des cohortes de manifestants portant banderoles défilant dans les rues en braillant. C’étaient là des perspectives qui ne lui souriaient pas. »

Les syndicalistes et les enseignants ne semblent guère avoir les faveurs de l’auteur. Il faut dire qu’il juge les enseignants majoritairement poliphobes. « Si le Français moyen manifeste en général une grande méfiance à l’égard de la police, les membres de l’Education nationale sont bien plus méfiants encore. On pourrait même dire qu’ils sont carrément hostiles, si ce n’est allergiques au mot "Police" ». Oh, délices de la généralisation !
Ils ne semblent pas, dans l’esprit de l’auteur, partager les mêmes valeurs que le châtelain local dont le maire apprécie le patriotisme :
« – […] il appartient comme moi à une espèce en voie de disparition : celle qui a des frissons quand elle entend la Marseillaise et qui vénère le mot "patrie", qui respecte la loi parce que c'est la loi, même quand on n'a pas un gendarme dans le dos.
Il sourit tristement :
– Celle aussi que la jeune classe appelle "les vieux cons".
– Je respecte aussi ces valeurs, assura Mary.
– Je le sais, fit Kerloc'h avec un sourire un peu triste. C'est rare chez une jeune personne comme vous. Nous ne sommes pas la majorité, Mary !
– C’est donc que nous sommes l’élite… »
Les enseignants apprécieront… Ou pas…

Ceci dit, Mary Lester fait preuve de son professionnalisme habituel et résout avec brio cette difficile enquête où les cartouches de fusil de chasse ont bien failli cacher les dégâts causés par un 22 long rifle.

Les enquêtes de la policière bretonne sont toujours agréables à lire. Ce trente-deuxième volume est une immersion de quatre cents pages dans les magnifiques paysages du Finistère. Et le tempérament frondeur du capitaine Lester fait toujours espérer la prochaine aventure avec autant de gourmandise.

(Heureusement tous les titres précédents sont encore disponibles !)

Serge Cabrol 
(25/02/09)