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Zoyâ PIRZÂD

Le goût âpre des kakis


Aux éditions Zulma, Zoyâ Pirzâd alterne nouvelles et romans avec un même fil conducteur : mettre en scène des personnages, souvent des femmes, dans leur quotidien aujourd’hui en Iran, leur vie de famille, leurs univers professionnels, leurs amours, leurs ruptures…

Le goût âpre des kakis regroupe cinq textes d’une quarantaine de pages qui constituent un ensemble cohérent aussi passionnant qu’agréable à lire.

Dans la première nouvelle, Les taches, Leila épouse Ali mais le couple bat vite de l’aile, l’épouse supportant mal les infidélités de son mari. Leila concentre son attention sur l’effacement des taches de diverses natures qui maculent la baignoire, la nappe ou les vêtements. Elle interroge les teinturiers, se renseigne, se procure des livres, essaie de nombreux produits et techniques. Pendant que son mari vagabonde, elle acquiert peu à peu une vraie compétence qui lui permettra d’accéder à l’indépendance…

La deuxième nouvelle est construite en trois parties. Les deux premières mettent en scène des couples au fonctionnement très différent.
Mahnaz rencontre Faramarz dans l’entreprise où ils travaillent et elle l’épouse. Il est très à cheval sur le ménage. « J’aurais dû épouser une femme qui, au lieu d’imiter les Européennes et de ne penser qu’à son job, à ses promotions et à toutes ces absurdités, s’occupe un peu plus de sa maison. »
Chez Simine et Majid, c’est l’inverse. Simine aime la broderie et le tricot, elle soigne la propreté et la décoration de leur appartement, elle cuisine amoureusement de bons petits plats dont Majid se moque éperdument.
Les deux femmes se croisent dans la troisième partie qui présente avec beaucoup d’humour, d’émotion et de finesse ce que chacune ressent et pense de l’autre.

Dans Le Père Lachaise, Tarameh, femme active qui mène bien sa carrière dans une agence de voyages, rencontre Morad, un intellectuel qui a des amis plutôt bohèmes et arrive en retard à tous ses rendez-vous. Ils sont aussi différents l’un de l’autre que follement amoureux… Les autres couples, autour d’eux, n’ont pas autant de chance.

Les personnages principaux de L’harmonica sont deux hommes. Monsieur Kamali, retraité du ministère du Plan, a rencontré Hassan à la pêche. Ils se sont peu à peu liés d’amitié au point d’ouvrir un restaurant ensemble. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’à l’arrivée de Soheila Khanoun. La jeune femme séduit monsieur Kamali, l’épouse. Elle aime dépenser, vivre au goût du jour et elle redécore toute la maison. Quand un client, parti faire fortune dans la restauration iranienne à Los Angeles, revient à Téhéran et décrit sa vie aux Etats Unis, Soheila Khanoun n’a plus qu’une idée en tête : convaincre son mari de partir ouvrir un restaurant en Californie. Hassan, quant à lui, est trop attaché à sa mère…

Dans la dernière nouvelle, qui donne son titre au recueil, on suit le parcours d’une femme au fil de toute son existence dans la maison qu’elle reçoit en dot. Son mariage avec « Le prince », leur vie commune, les amis qu’ils reçoivent, les relations avec la famille, le temps et les événements qui passent, l’entrée dans la vieillesse, le veuvage… Chaque année, elle aime cueillir les kakis et les offrir autour d’elle. Mais tout le monde n’apprécie pas le goût âpre des kakis…

Une galerie de portraits très réussis, des tranches de vies parfois douloureuses mais toujours décrites avec finesse, un kaléidoscope tendre et subtil, un livre à ne pas manquer pour partager l’existence de ces hommes et de ces femmes aujourd’hui à Téhéran.

Serge Cabrol 
(06/08/09)    



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Lectures










Editions Zulma

224 pages - 18 €


Nouvelles traduites
du persan (Iran) par
Christophe Balaÿ





Zoyâ Pirzâd
,
née en Iran d'un père russe et d'une mère arménienne, est l'auteur de deux romans et deux recueils de nouvelles parus chez Zulma. Comme tous les après-midi (nouvelles) et On s'y fera (roman)
ont déjà été repris
en Livre de Poche.