Le temps s’écoule, menaçant. Tumulte à l’intérieur de toi. Tu souffres de blessures inconnues et tu te serres à l’ombre de ta nuit. Accoutumé aux secrètes défaites, tu te traînes dans le lit d’un fleuve sale et tu trembles.

A l’ère du papier, Encres Vagabondes avait publié un poème de Geneviève Roch dans le numéro 26 et un article sur son premier roman 55, rue du quotidien dans le numéro 27. C’est avec plaisir que nous la retrouvons avec un recueil de poèmes qu’elle présentait lors du dernier Salon de la Revue. Plusieurs textes de ce recueil ont été publiés en revues et remaniés pour la présente édition.

L’incommunicabilité entre les individus semble toujours être la source de son questionnement. Mutisme, robotisation, crainte du vide (ce qu’elle nomme La tyrannie du manque) affleurent dans ses textes en prose.

Comme assigné à l’ombre de toi-même tu piétines ton ennui sur des trottoirs bondés. Avec tous ces passants pressés. Foule brute. Foule sèche. Sans couleur. Tu habites cette vacuité. Tu vois la fuite des étoiles au ciel noir et jamais leur éclat.
Y a-t-il tant d’attraits à cette absence-là ?

Peut-être la douleur, la proximité du saut final provoque un sursaut A fleur de conscience. Pas une réponse, non ! Seulement le début d’une errance vers des possibles sans limites. L’homme se débat dans un marécage de solitude, agrippé au bord du vide ; mais point de désespérance dans les lignes. Une intuition, une lueur, des harmonies secrètes viennent éclairer les ténèbres. Une nuit encore à traverser, mais au bout peut-être quelqu’un attend. Une non-conquête de haute lutte.

Étonnant de trouver de la douceur et des mots caressants dans cette écriture aride, filiforme. Une poésie sans musique mais non sans sonorité, comme martelée au début pour devenir à la fin plus soyeuse.

Un soi nouveau se regarde avancer. Stupéfié par le surgissement de ce non-possible-là du monde. Le sens devenu visible.

Patricia Châtel 
(08/12/07)    

Les Editions Multiples publient depuis 1970 la revue de poésie Multiples.
La collection Fondamente est née en 1991.