Geneviève ROCH / GLEF

Regard de peintre
ou
Les couleurs de la nuit



Il est rare de voir un peintre prendre la plume pour nous faire partager son chemin de création, en nous faisant entrer dans l’univers de ses doutes, de sa maîtrise comme de sa peur. Il est vrai que Geneviève Roch n’est pas une inconnue du verbe, car elle est écrivain et a déjà publié, à ma connaissance, deux romans et cinq recueils de poésie, mais il est possible que je ne connaisse pas tout ce qui a été édité. Pour en revenir à ce Regard de peintre, je dois vous avouer que j’ai aimé sa démarche, ponctuant ma lecture de : oui, c’est ça ! Elle a raison ; ou encore, réveillant en moi des réflexions sur l’acte de création et sur l’observation d’une œuvre d’art.

Geneviève Roch a l’intelligence de commencer par essayer de dire cet acte de peindre. Tentant par cela même de reprendre ce que celui qui n’a pas pratiqué ne peut envisager, car il s’agit de dire tout ce qui entoure cet acte en même temps que d’exprimer l’acte. Ainsi, cette question qui revient très souvent : quel est le déclencheur ? Le prétexte qui fera naître le désir de peindre…
Ainsi une toile peut avoir pour origine un objet précis, une nature morte, un thème – ville, paysage, etc. – le résultat n’en livre qu’une équivalence. Parce que le besoin du peintre n’est pas de reproduire
l’objet aussi exactement que possible, avec le souci de la ressemblance immédiatement perceptible, mais de l’utiliser pour faire surgir cette parcelle d’invisible qu’il a, un instant, saisie à travers cet objet
Je cherche donc bien plus à fixer l’émotion qu’une forme précise. À donner aux paysages que je peins une étendue spirituelle jusqu’à ce qu’ils ne soient plus
paysages et qu’il n’en reste que l’esprit.
En ce sens, toute peinture est abstraite.

Plus loin, elle exprime comment elle commence : Quand je commence une toile… Je sais si je vais mettre mon énergie à droite ou à gauche du tableau, si l’organisation va se faire à partir du centre ou des côtés… Il y a cette part d’inconnu qui laisse toujours la route ouverte, offrant de multiples perspectives.

Vient ensuite la question toujours posée à quelqu’un qui vient de répondre qu’il est artiste peintre. Quel genre de peinture faites-vous ? Figuratif ou abstrait ? Alors pourquoi continuer d’opposer le figuratif à l’abstrait ? N’est-il pas absurde de vouloir limiter la peinture à la représentation de ce qui est visible ?... Aussi, mieux vaudrait dire que la bonne peinture – figurative ou abstraite – apporte toujours quelque chose de vivant alors que la mauvaise – figurative ou abstraite encore – n’est qu’une répétition sans vie.

Il est souvent, pour une femme peintre, venu le moment où des personnes se sont faites à l’idée qu’il n’y avait qu’un homme pour faire cette peinture. Ces personnes confondent ce qui est dit du tréfonds du peintre et ce qu’est cette personne socialement. En résonnance avec ce que nous raconte Geneviève Roch sur ce sujet, je vais vous narrer une histoire arrivée à un autre peintre femme qui fait une peinture pleine de force. Lors d’un salon au Grand Palais, un sculpteur italien avait repéré une toile qu’il trouvait extraordinaire de puissance traduite dans la peinture. Dans son esprit, le peintre qui avait fait cela était un homme. Lors du vernissage, il chercha à rencontrer le peintre et eut la surprise de découvrir une femme de petite taille, toute menue. La surprise passée, il lui parla de son admiration pour cette force de vitalité qui transparaissait dans l’œuvre. Puis, tout à trac, il se tourna vers le mari du peintre et lui demanda : « Ce n’est pas trop dur de vivre avec une femme qui fait ça ? »

Bien d’autres questions viennent ensuite : l’inspiration, la solitude, le rapport aux autres peintres, etc. Regard de peintre est un bonheur de lecture, permettant à tous ceux qui ne sont pas peintres ou qui ne vivent pas avec un peintre de comprendre quelque chose à la création chez un peintre. C’est vivant, cherchant à travers des années de notes d’impressions, de découvertes, d’émotions, de traduire ce qu’est la vie d’un peintre. En cela, elle réussit à nous donner de l’universel. Merci à Geneviève Roch pour ce petit opuscule si grand.

Gilbert Desmée 
(22/08/08)    



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Ed. Le temps des cerises
64 pages, 12 €








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