Comme il l’a déjà montré dans ses précédents romans, Thomas Bronnec aime bien nous projeter dans l’avenir, juste quelques mois ou quelques années, pour exacerber les tendances de la société et du monde politique, leur fonctionnement et leurs dysfonctionnements. Pour mettre en lumière aussi les engagements et les militantismes, parfois leurs insuffisances ou leurs excès.

Nous voici en 2028. L’élection présidentielle de 2027 a été un échec : 39,8 % de participation. « Le président élu, Damien Clairville, avait réuni moins de 4 millions de Français sur son nom au premier tour, à peine 7 millions au second. Un Français sur dix. Sa légitimité était nulle. »
Il fallait réagir. Le président a donc annoncé la tenue d'une « convention citoyenne pour repenser le processus démocratique ». « Le constat avait été rapidement dressé. Puisque l'élection ne permettait plus l'exercice de la démocratie, il fallait en finir avec l'élection. Il avait fallu plus de temps pour trouver par quoi la remplacer. Mais un consensus s'était dessiné au fil des débats parmi les cent Français. Le président devait être, à terme, choisi lors d'une émission de télévision. »

Un « Loft story » politique. L’idée ne fait pas l’unanimité au sein des partis mais le président fait pression et le parti présidentiel, Horizons, accepte de tester le concept à l’occasion de ses primaires. Les quatre candidats à la direction du parti sont enfermés dans une maison pendant trois jours et trois nuits avec des caméras dans toutes les pièces sauf les chambres et les sanitaires. « Il y aura des débats mais aussi des moments d’introspection, il y aura des jeux et un invité mystère, il y aura tout ce qu’il faut pour faire de la politique un spectacle. »
Nous suivons plus particulièrement Nathan Calendreau, qui a été ministre des finances pendant cinq avant d’être remercié et oublié. Il tente un retour en politique à l’occasion de cette émission.
Parmi les trois autres candidats, il y a Nora Sadaoui, 34 ans, belle et brillante, ayant fait fortune en revendant très cher la startup qu’elle avait créée. D’entrée de jeu, elle surprend ses adversaires en offrant à chacun un cadeau de bienvenue. Cadeau empoisonné bien sûr. À Nathan Calendreau, elle offre un joli livre sur le Vietnam. Pourquoi ? Quel piège se cache derrière cette initiative ? 

Parallèlement au déroulement de cette émission, nous suivons trois femmes qui squattent un appartement à Paris. Thaïs, Liên et Pauline ne supportent plus le décompte annuel des féminicides. Les slogans, les affiches, les manifestations, ce n’est pas suffisant.  Retour à la loi du talion, œil pour œil, dent pour dent. À chaque nouveau féminicide, elles tueront un homme pris au hasard. Le premier marchait dans une rue sombre quand elles l’on tué. C’est dans le journal qu’elles ont appris qu’il s’agissait d’un petit dealer de 28 ans au casier vierge. Qu’importe, pour elles, « aucun homme n’était innocent, même si certains l’étaient encore moins que d’autres ».

Bien sûr, comme dans tout roman noir bien construit, les routes apparemment parallèles finissent pas se croiser. Le déroulement de la télé-réalité pré-électorale et le parcours criminel des trois femmes vont se rejoindre. Mais où, quand, comment, pourquoi ? Mystère et suspense…

Thomas Bronnec réussit encore une belle performance, alliant gravité et légèreté, enrichissant à sa manière une réflexion politique et sociétale sur la démocratie en danger et le drame des féminicides, nous faisant vivre au plus près de personnages bien charpentés, nous permettant de partager leurs pensées, leurs espoirs, leurs colères, leurs peurs, tandis que la liste des meurtres s’allonge au fil des chapitres.

Serge Cabrol 
(04/11/24)