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Fabrice CARO

Fort Alamo


Dans chacun de ses romans, avec un humour tendre aux frontières de l’absurde, Fabrice Caro sait à merveille nous faire partager les pensées et les angoisses d’un narrateur plutôt rêveur et décalé, confronté à un événement ou une situation qui le déroute et vient occuper toute la place dans son esprit.
Ici, nous accompagnons Cyril, professeur d’histoire, marié, deux enfants, qui menait une existence tranquille jusqu’à ce jour fatidique des courses au supermarché qui nous est raconté dès la première page.
« Je m'étais absenté une minute à peine, le temps de retourner chercher les sacs-poubelle que j'avais oubliés. Quand je suis revenu à la caisse, un type avait fait passer son caddie devant le mien et avait commencé à déposer ses produits sur le tapis rou­lant. Je me suis retrouvé derrière lui, hagard et désemparé. […]
Quand il a eu terminé de ranger ses courses dans ses sacs, alors que je le fixais dans l'espoir d'un signe, sinon d'excuse, au moins d'empathie, il a payé, sans même un regard vers moi, et s'est éloigné de la caisse en poussant mollement son caddie. Quelques mètres plus loin, il s'est effondré sur le sol. »

Que quelqu’un fasse un malaise à un moment où secrètement vous le haïssez, c’est déjà une étrange coïncidence. Mais si la même situation se reproduit, dans un autre magasin ou dans la salle des professeurs du lycée, il y a de quoi s’interroger. Cyril provoque-t-il la mort des personnes qui l’exaspèrent ? L’inquiétude commence à le ronger. Est-il devenu dangereux pour son entourage ? Pour le chien des voisins, « un bâtard aux cris perçants et agressifs », qui lui aboie dessus alors qu’il le voit tous les jours ? Sa belle-sœur, Corinne, pourrait-elle tomber raide au prochain Noël si elle y joue son insupportable rôle habituel ?
Ce sont des questions dont il a besoin de parler mais comment évoquer cette angoisse avec son épouse si rationnelle et équilibrée sans se couvrir de ridicule ?

Un autre sujet qui le préoccupe est l’insistance de Laurent, son frère, pour vider au plus vite la maison de leur mère décédée. C’était la maison de leur enfance. Cyril est attaché aux souvenirs qu’elle renferme mais Laurent est plus attentif au montant de la taxe foncière. « Deux mille euros par an, même divisée en deux, ça reste une somme pour une maison laissée à l’abandon. »
Mais Cyril soupçonne, derrière l’attitude de son frère, la pression de Corinne pour en finir avec cette histoire qui coûte au lieu de rapporter.
« Je la sentais pressée de vider la maison pour la mettre en vente. Je défendais une zone en péril mais Corinne était plus coriace que l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. J'étais zadiste de mon passé, les pieds dans la boue, arborant des panneaux inoffensifs face à une armée de bulldozers. »

Confronté à ses soucis existentiels, Cyril se démène comme il peut pour le plus grand plaisir du lecteur. C’est tendre, émouvant, parfois absurde et toujours drôle. Une fois encore, on cède avec bonheur au charme de l’univers de Fabrice Caro et à la finesse ironique de son écriture, le temps d’un très agréable moment de lecture. À ne pas manquer pour échapper quelques heures à la morosité ambiante.

Serge Cabrol 
(25/10/24)    



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Lectures







Fabrice CARO, Journal d’un scénario
Gallimard / Sygne

(Octobre 2024)
192 pages - 19,50 €




Fabrice Caro,
né à Montpellier en 1973,
est romancier et auteur de bandes dessinées.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia


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