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Sophie LOIZEAU


Les moines de la pluie


En quatrième de couverture, le dernier livre de Sophie Loizeau est présenté comme un recueil de vingt-deux récits brefs. Ici et là, on le présente comme un recueil de nouvelles. Ou de contes. Nous, nous parlerions volontiers de fables. En réalité, il est tout cela à la fois puisque Sophie Loizeau est de ces brillantes poétesses contemporaines qui savent brouiller les genres.
Elle sait brouiller les pistes également. On ouvre le recueil en croyant que l’on va lire un livre sur des préoccupations écologiques et animales (une exergue nous présentant les chiffres des espèces détruites chaque année en France) ; mais on tourne la page et l’on est transporté ailleurs, cette fois vers les espaces intérieurs de l’auteure : « Ce que je cherche – et cette quête est inscrite désespérement dans chacun de mes livres –, ce sont des coins, des cachettes, des gîtes, des couchettes, des chambres sous les arbres, des retraites, des replis, des lieux reculés, enfouis retranchés, des havres. »
Deux pistes donc. Deux pistes qui pourraient se résumer en une : l’animalité. Car en fait de destruction, les animaux ne sont pas les seuls concernés. La femme. La femme et la féminité, voilà aussi ce que l’humain s’ingénie à détruire.
Que l’on songe seulement aux statues antiques représentant des hommes. Leurs organes génitaux, nous rappelle Sophie Loizeau, sautent aux yeux quand, à l’inverse, le sillon vulvaire manque toujours aux déesses et aux nymphes : cet endroit est désespérément vide. Qu’à cela ne tienne. Dans « Les vulves », une artiste va se charger de créer des moulages à partir de son propre sexe et, lors d’une performance illicite, de les ajuster aux nymphes et déesses. Le féminin a repris ses droits.
Mais tout n’est pas toujours aussi simple et la plupart des textes du recueil nous plongent dans des mondes proches du cauchemar. Le corps y est souvent mutilé. Les espèces animales, elles, se rebellent. Les disparues réapparaissent, les menacées appellent à l’aide ou hantent les esprits. On flirte alors avec le fantastique, le mythologique ou l’ésotérisme. Ici encore, Sophie Loizeau brouille les pistes, les univers. On ne sait jamais, en commençant un nouveau texte, vers quelle exploration elle va nous conduire. On est sûrs en revanche d’être happés et bousculés, de s’approcher de l’obscurité, des mystères et des profondeurs de l’inconscient.
Oui, quelque chose bouge en nous en lisant Les moines de la pluie. On peut difficilement mettre un mot sur ce quelque chose mais on sait que cela a à voir avec le sexuel, avec ce qui ondoie dans les ventres. Ainsi du dernier texte, « Hamadryade », où une femme fait l’amour avec un arbre. Il est pour elle le dieu Pan, elle, elle devient la femme des femmes, la femme qui parvient à rassembler  le masculin et le féminin, à devenir l’arbre lui-même et à aller jusqu’à ensemencer.
S’unir. Féconder. Ne sont-ce pas là, au fond, les forces qui peuvent s’opposer à la destruction ?  

Isabelle Rossignol 
(20/03/24)    



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Le Pommier

(Janvier 2024)
128 pages - 18 €





Jean-Sophie Loizeau
a déjà publié
une quinzaine de livres.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia




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de Sophie Loizeau :

La chambre sous le saule