Retour à l'accueil du site





Peter MAY


Tempête sur Kinlochleven


En 2051, le climat de l’Écosse ne s’est pas arrangé, bien au contraire. Avec la modification du Gulf Stream et du jet-stream et la fonte des glaces du Groenland, le niveau de la mer a monté. De vastes régions de l’est de l’Angleterre ont été englouties, la majeure partie de Londres se trouve sous l’eau et les rues de Glasgow sont devenues des rivières où on circule en bateau taxi. Le nord de l’Ecosse ressemble maintenant au nord de la Norvège, la température est glaciale et les tempêtes se succèdent à un rythme effréné. C’est dans ce décor glacial et violent que l’auteur nous entraîne pour accompagner Cameron Brodie, un inspecteur de Glasgow chargé de déterminer si un journaliste, dont on vient de retrouver le corps dans les Highlands, près de Kinlochleven, a été victime d’un accident ou d’un homicide.

Cameron Brodie a cinquante-cinq ans. Il est veuf et apprend qu’un cancer ne lui laisse plus que quelques mois à vivre. C’est ce dernier élément qui le pousse à accepter cette mission dans le Nord. Sa fille, Addie, habite près de Kinlochleven et il ne lui a pas parlé depuis plusieurs années. S’il veut éclaircir quelques points avec elle, c’est maintenant ou jamais. Sinon, il emportera ses secrets dans sa tombe.

Ses secrets, ils nous sont révélés en flash-back par des chapitres datés de 2023 à 2040, où Brodie raconte sa rencontre avec Mel, leur mariage, la naissance de leur fille et leur vie presque tranquille jusqu’à la mort de Mel. Ce sont les conditions de sa rencontre avec Mel et les raisons de sa mort que Brodie veut expliquer à sa fille parce qu’elle l’en a toujours tenu pour responsable, qu’elle refuse de le revoir et de lui parler. L’annonce de son cancer et cette mission à Kinlochleven constituent une opportunité qu’il ne peut qu’accepter.
D’autant que plus que c’est sa fille, météorologue, qui a découvert le corps du journaliste en allant relever les données de sa station d’altitude.

En 2051, l’univers technologique n’a cessé d’évoluer et c’est à bord d’un "eVTOL" – une sorte d’hélicoptère automatique sans pilote – qu’il décolle de Glasgow. Il fait une étape dans l’île de Mull pour embarquer Sita Roy, la médecin légiste qui doit déterminer les causes de la mort du journaliste.

Brodie et Sita arrivent difficilement à bon port et peuvent commencer leurs recherches. Ils vont vite comprendre que leur arrivée n’est pas appréciée par tout le monde et notamment par ceux quoi voudraient que les raisons de la mort du journaliste n’apparaissent pas au grand jour…
L’enquête, la récupération du corps, le prélèvement des indices et leur analyse, vont se dérouler dans des conditions épouvantables, dans le froid et la neige, et au risque de leur vie.

Plusieurs thèmes importants irriguent ce roman comme l’emprise au sein d’un couple dont Mel a souffert et dont Brodie voulait la sauver. Pourquoi ne peut-on cesser d’aimer un homme violent ?
Le Brexit aussi, auquel Peter May donne une suite : l’Écosse a voté son indépendance à la fin des années 2020 et a pu réadhérer à l’Union européenne grâce au soutien de la France. Peter May, qui habite dans le Lot depuis plus de vingt ans, est naturalisé français depuis 2016. C’est un sujet qui lui tient à cœur.
Et puis, le changement climatique, bien sûr, ses causes et, ses conséquences avec la dénonciation du manque de courage des institutions à une époque – la nôtre – où il était encore temps d’agir. 
« – Oh, j'écoutais. Comme tout le monde. On n'entendait pratiquement parler que de ça, putain. Le changement climatique. Le réchauffement global. Et comment chacun devait faire un effort. Beaucoup l'ont fait. Mais les gros responsables, eux, ils n'ont rien fait, hein ? La Chine, la Russie, l'Amérique. Ils appelaient ça l'impératif économique, ou un truc du genre. La nécessité de continuer à pomper les énergies fossiles du sol et à brûler cette merde parce que trop de gens gagnaient trop de fric avec. »

Peter May évoque aussi les mouvements de populations qu’a provoqués le bouleversement climatique. Brodie ne supporte pas les propos racistes d’un chauffeur de taxi qui amalgame immigration et délinquance. L’enquêteur a une analyse plus intelligente du problème.
« Les centaines de milliers d'immigrants fuyant les catastrophes climatiques en Afrique et en Asie avaient été accueillis grâce à la politique d'ouverture de l'Écosse. Une politique motivée par la chute inquiétante de la natalité et l'allongement de la vie – une situation démographique économiquement intenable. Mais une politique qui avait favorisé une tendance croissante à un protectionnisme qui se manifestait ouvertement sous forme de racisme. D'un autre côté, la politique de fermeture pratiquée en Angleterre n'avait eu pour effet qu'accroître l'immigration clandestine, aboutissant à une montée en flèche du taux de criminalité et à une discrimination encore pire. »

Avec ce roman, Peter May prouve une nouvelle fois que la fiction, y compris le polar, peut aborder des sujets graves tout en livrant une histoire passionnante pleine de rebondissements. Le résultat est un très bon roman. Cet auteur, au fil d’une trentaine de titres, ne nous déçoit jamais.

Serge Cabrol 
(24/05/24)    



Retour
Sommaire
Noir & polar







Peter MAY, Tempête sur Kinlochleven
Rouergue Noir

(Mars 2024)
352 pages - 22,80 €

Traduit de l'anglais par
Ariane Bataille









  Domi Photographe
Peter May,
né à Glasgow en 1951,
a été scénariste pour la télévision écossaise (plus de mille scénarios en quinze ans) avant de s'installer dans le sud de la France pour écrire des romans policiers.

Visiter le site de
Peter May





Découvrir sur notre site
d'autres romans
du même auteur :

L'éventreur de Pékin

L'île des chasseurs d'oiseaux

Les fugueurs de Glasgow

Les disparus du phare

Je te protégerai

Rendez-vous à Gibraltar