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Didier GOUPIL

Traverser la Seine



Nous retrouvons le personnage de Madame que Didier Goupil nous a présenté dans Femme du monde, roman publié en 2001.
Madame vit au Ritz. Agée, elle se désintéresse du monde environnant. Elle est invitée à l’Elysée pour la remise de la Légion d’honneur à son neveu, publicitaire avec qui elle ne s’entend pas du tout. Elle y va car sa petite-nièce Charlotte, avec qui elle s’entend très bien, a insisté. Mais lui, son neveu, ne s’intéresse qu’à la valeur de sa montre comme le Président qui le décore, des valeurs qu’elle ne partage absolument pas, elle qui a connu les camps de concentration pendant la guerre et a réussi à survivre malgré l’horreur.
« — Mais je croyais qu'il n'aimait que les Rolex ?
— Le Président ne porte plus de Rolex. Trop vulgaire, trop commun. Tout le monde a une Rolex aujourd'hui. La Patek, c'est plus chic et plus discret. Plus cher aussi...
Le père de Charlotte, à l'image d'un de ses éminents confrères, avait cru jusqu'ici que si l'on avait une Rolex à 50 ans, on avait réussi sa vie.
Il venait d'apprendre, ce qui dans le fond n'était pas pour lui déplaire, qu'il y avait une vie après la Rolex, et que celle-ci s'appelait Patek. »

Madame retrouve dans la situation contemporaine des éléments de 1929, crise terrible qui a précédé la deuxième guerre mondiale.
Elle retournera sur les lieux des camps où ses souvenirs qui la hantent quotidiennement se réincarneront malgré le temps écoulé. Faut-il conserver ces bâtiments que le temps altère ou les laisser se décomposer et les oublier ?
« Mais comment léguer ses souvenirs ? s'était-elle souvent demandée.
Comment léguer ses passions ?
Ses émotions ?
En fait, ce que Madame aurait vraiment voulu léguer était impossible à léguer. »

Madame sera plus qu’étonnée de voir des films présentés dans le bus du voyage organisé : « Après quelques minutes, Madame, interloquée, se leva, rejoignit l'avant du bus et alla se renseigner auprès du dénommé Janusz, qui somnolait dans son fauteuil.
Ce dernier, en hochant la tête, lui expliqua sans sourciller qu'il s'agissait en fait d'une reconstitution.
À la libération du camp, des cameramen soviétiques avaient réquisitionné des paysans polonais et leur avaient demandé de jouer le rôle des déportés — ce qu'ils avaient accepté de bon cœur. »
 Même les témoignages sont des reconstitutions. La vérité des camps n’est pas transmissible et la présentation en est faussée.

Le roman de Didier Goupil soulève de nombreux questionnements concernant la situation actuelle qui est bien inquiétante ainsi que le rapport à l’histoire dramatique des camps d’extermination. Les risques existent toujours et Madame a du mal à supporter l’évolution actuelle en raison de tout ce qu’elle a déjà subi.

Le roman se divise en sept parties et les chapitres très courts ainsi que l’écriture de Didier Goupil, claire et incisive, renforcent le propos très profond et terriblement d’actualité. 

Brigitte Aubonnet 
(29/08/16)    



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Le serpent à plumes

(Août 2016)
150 pages - 17 €







Didier Goupil,

né en 1963,
nouvelliste et romancier,
est l'auteur de neuf livres.

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Didier Goupil



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