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Guillaume GUÉRAUD Baignade surveillée Un couple part en congés payés avec leur gamin de dix ans. Ils se sont aimés, autrefois, mais la routine a eu gain de cause. C'est autant par habitude (ils y vont quinze jours chaque été depuis quinze ans) que pour masquer le vide qui a envahi leur vie qu'ils débarquent au camping du Cap Ferret pour les vacances. Un endroit chargé de souvenirs d'enfance et de rencontre amoureuse puisque c'est là que leur histoire commune s'est nouée. Entre eux, "tous les voyants clignotaient au rouge" et la
magie de l'océan peine cette fois à opérer. Estelle, rivée
à son téléphone portable, le cur et l'esprit ailleurs,
se fait bronzer en tirant la gueule. Arnaud, qui sait qu'elle va le quitter,
déprime et ne "trouve rien de mieux à faire que de compter
les méduses et les os de seiche échoués sur le sable".
Auguste, avec l'énergie bouillonnante de ses dix ans, joue seul dans
son coin. La tente même qui les abrite après avoir tant résisté
à être montée, est une antiquité qui date de leur
adolescence et sent la poussière et le moisi. Si Estelle, qui ne le supporte pas, en profite pour être désagréable
sans retenue avec tous, Arnaud, lui, conscient que ses visites intempestives
s'apparentent souvent, pour ne pas dire toujours, à la nécessité
de se planquer, s'inquiète. La suite du roman ne lui donnera pas tort
car ce n'est pas cette fois une pacotille mais l'attaque d'un fourgon blindé
contenant plus de cinq millions et la mort de trois convoyeurs qui sont versées
au dossier du frangin. Un casse raté mais rocambolesque, du reste ! Un polar, avec ses éléments classiques, attaque d'un fourgon
blindé, morts violentes, cavale... centré autour du personnage
de Max, avec un texte distingué en italique, dans lequel viennent s'insérer
deux autres composantes intimes : la relation entre deux frères que tout
oppose alors que l'enfance a créé des liens indestructibles entre
eux et l'histoire conjugale du plus sage des deux. Le récit s'appuie pour cela sur une double temporalité : celle du présent des vacances au Cap-Ferret pour Arnaud, son fils et son épouse déjà sur le départ, celle du passé commun comme une lumière en fond du tableau et du passé plus récent de Max de sa sortie de Fleury-Mérogis à son arrivée au camping, en passant par la case "dégâts irréparable" et "retour à la case prison". Ce roman est aussi celui de l'incommunicabilité. Les mots jamais ne
seront dits, aucune explication entre Estelle et son mari, aucune confidence
de Max à son frère, aucun reproche d'Arnaud à celui-ci.
Les paroles qu'on n'a pas pu échanger au sein de la famille ont bâti
autour de chacun des frères une forteresse de solitude et de silence,
que seul Auguste du haut de ses dix ans vient éclairer de son affection
partagée. Max n'est pas le seul handicapé de la vie dans ce film
de vacances impitoyable où gravité et légèreté,
appétit pour la vie et résignation, s'entrechoquent en sourdine. Mais de ce tableau gris-noir, jaillissent deux personnages d'une épaisseur,
d'une intensité émotionnelle, d'une justesse étonnante,
qui embarquent tout avec eux. Leurs sentiments et relation sont décortiqués
sans faux-fuyant, avec précision mais bienveillance. Et Max s'impose,
moitié truand, moitié sale gosse, en clown désespéré
à la fois tonitruant et secret, envahissant et fragile, lumineux et superbe,
à nous retourner le cur. Moins provocateur et moins violent que dans ses romans atypiques et irremplaçables
pour les adolescents, toujours aussi pudique et influencé par le cinéma,
Guillaume Guéraud nous offre, pour sa deuxième tentative en direction
des adultes, un récit hybride simultanément sombre et drôle,
qui creuse sans en avoir l'air dans l'humain aussi profondément que Max
dans le sable. Dominique Baillon-Lalande (11/02/14) |
Sommaire Lectures Le Rouergue Collection La Brune (Janvier 2014) 128 pages - 13,80 €
Bio-bibliographie sur Wikipédia Découvrir sur notre site des romans jeunesse de Guillaume Guéraud : Anka Sans la télé Déroute sauvage La Brigade de l'Œil Je mourrai pas gibier Manga |
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