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Arnaud RYKNER


La belle image



La voix du narrateur s'élève, tantôt forte tantôt angoissée : c'est celle d'un homme qui est révolté, par ce qui arrive à son destinataire avec qui il correspond. Dans cet échange, où même les silences sont éloquents, le narrateur s'adresse à un homme intelligent et cultivé qui a été condamné, détenu et libéré après avoir purgé sa peine mais pour qui vivre hors de la prison est une épreuve plus insupportable même que celle de l'incarcération. En effet, même si celui-ci a payé pour ses actes, il est poursuivi par son passé et son réapprentissage de la liberté est douloureux et très difficile. Impossible peut-être. On découvrira certes l'itinéraire de cet homme, qui reste anonyme, mais entre les échanges épistolaires, se glisse l'analyse du narrateur : réflexion sur autrui, sur la société, sur lui-même. Ainsi, chacun de deux hommes va-t-il se livrer, s'interroger ou interroger dans une dignité et un respect de l'autre remarquables : Vous n'êtes pas pour moi un animal curieux, mais un reflet troublant. Vous éveillez en moi une crainte confuse, des grouillements obscurs. Vous donnez corps à mon angoisse, la justifiez.

Ce récit épistolaire va bien au-delà des clichés faciles sur l'incarcération ou sur le retour à la liberté d'un détenu, il analyse avec beaucoup d'humanité les angoisses qui sont peut-être aussi les nôtres, celles de tout individu, les élans ou les craintes, intimes ou inavouées, qui nous emprisonnent et qui font que nous ne pouvons nous libérer de nous-mêmes. On le constate, le thème de l'incarcération intime et sociale est aussi au cœur de ces échanges épistolaires.

Arnaud Rykner s'inspire, en partie semble-t-il, d'une expérience qu'il a réellement vécue en entretenant une correspondance avec un prisonnier. J'ai voulu prendre la place de celui-là en particulier, dont j'ai réinventé l'histoire, voir si j'en étais capable, confie l'auteur dans la postface. Je n'en étais pas capable. On n'écrit pas les livres qu'on veut. On essaie d'écrire, on essaie de vivre. C'est déjà bien assez.

Comme dans Le wagon, publié en 2010, le narrateur joue du réel et de la fiction et fait le choix d'une écriture épurée mais dense. La belle image est un texte très profond, remarquablement écrit, qui nous interpelle tous car sont abordées des situations humaines auxquelles nous sommes tous susceptibles d'être confrontés.

Sylvie Legendre-Torcolacci 
(12/09/13)    



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Lectures




Éditions du Rouergue

(Août 2013)
144 pages - 15,50 €




Arnaud Rykner,
né en 1966, professeur à l'Université de la Sorbonne Nouvelle, est romancier, dramaturge, metteur en scène et essayiste.

Bio-bibliographie sur
Wikipédia


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