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La douceur du sang est un recueil de douze nouvelles sur le thème de la famille et de la filiation. Celle-ci se conjugue avec l’inconnu pour le gamin hanté par l’abandon du père (Rue des fleurs), cet autre né sous X (Il aurait suffit) ou celui dont la mère se prostitue et qui ne sait qui est son géniteur (N'allez pas croire que cela est facile). Parfois, c'est la présence ou l'image du père qui pèseront de façon déterminante, comme pour le fils du cordonnier dont la mère a quitté le foyer et que son père a élevé dans l’amour du travail bien fait (Sur le métier...), le fils de boucher que l'odeur du sang a poursuivi toute sa vie (Fils de boucher), celui dont le père célèbre lui est envié mais dont il découvrira bien plus tard l'envers de sa personnalité (Hagiographie), ce fils d’assassin rejeté dans la cour d'école (Difficile d'être le fils d'un assassin) et cet autre qui, traumatisé par le souvenir de la violence paternelle, s'interdira définitivement de paternité (Récidive). Mais les rôles peuvent s'inverser et c'est alors le père qui prend la parole, se heurte au silence du fils (Monsieur Charles, Pas ce soir) ou part à sa recherche (Le marcheur). Les mères quelquefois s'avèrent tout aussi destructrices, trop ou mal aimantes, et pas toujours innocentes (Comme une parenté, Rue des fleurs). Le secret, le silence, l'alcoolisme, la frustration, un mauvais choix, deviennent des armes, se font substances vénéneuses qui abîment les êtres, imprimant en eux des traces indélébiles. « On ne se défait pas facilement des personnages de Tardif. Non pas que ceux-ci brillent d'un éclat particulier ou incarnent un pouvoir les portant au-dessus du commun. Des gens bien ordinaires, que l'on pourrait qualifier de peu si, sous leur apparente banalité, ils ne dissimulaient quelques secrets savamment cultivés dont ils font leur raison d'être » comme l'écrit Jean-Claude Bourles dans la préface de cette belle édition. L'humour, la recherche et la fluidité de la langue, l'énergie "coup de poing" que l'auteur parvient à insuffler à ses nouvelles de quelques pages, la façon dont il jalonne ses récits par de légères allusions et indices qui suggèrent les drames plus qu’ils ne les racontent, se conjuguent pour produire doutes et émotions chez le lecteur à partir de ces tranches de vie plus proches du journal intime que du fait divers. Jean-Claude Tardif fouille les non-dits, les mensonges ou les silences, cultive le doute, explore les failles et gratte avec obstination les cicatrices encore à vif, mais c'est la souffrance et l'amour qui lui restent sous les ongles, mêlés au sang. Des histoires bien troussées, singulières et d'un noir absolu qui, malgré la cruauté sous-jacente, ne se départissent jamais d'une profonde humanité. Un excellent recueil, cohérent et intense, servi par une superbe écriture. Dominique Baillon-Lalande |
Sommaire Lectures Le vent se lève 80 pages - 13,50 €
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