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Philippe BESSON


« Arrête avec tes mensonges »



« Aujourd’hui, voilà que j’obéis enfin à ma mère : je dis la vérité. Pour la première fois. Dans ce livre. » C’est ce que Philippe Besson nous précise sur la quatrième de couverture. 
Alors quand j’ai voulu écrire un article sur ce nouveau livre de Philippe Besson – auteur que j’apprécie particulièrement depuis longtemps et plusieurs romans –, j’ai tout de suite été attrapée par les enthousiasmes et les éloges des médias, et ce depuis les premiers jours de sa parution… Alors que dire de plus, de mieux ? Sinon  mon envie de les accompagner ?

Car ce livre est magnifique, complet, profond, à s’y perdre, à s’y reconnaître dans la passion, dans l’amour. Si lors de précédents romans, – en particulier les derniers : De là, on voit la mer, La Maison atlantique ou Les passants de Lisbonne –, j’avais savouré les histoires, les ambiances, et si j’avais, bien sûr, aimé les phrases, les constructions habiles, les images fortes, ici, j’ai été impressionnée. « Arrête avec tes mensonges » est le plus fort et aussi le plus rayonnant des livres de Philippe Besson. Est-ce parce que cet auteur de fictions, racontées comme s’il les avait toutes vécues, nous dit la vérité ? Se confie ? Je ne crois pas, et ce n’est pas non plus parce que son récit transcende la pudeur, le sexe, et qu’il va au plus intime de la passion amoureuse, c’est parce que son écriture est à ce point lumineuse, qu’elle éclairera encore ses futurs romans comme elle vient sans doute d’éclairer les précédents…

Ainsi Philippe rencontre Thomas, au lycée. Ils sont en terminale tous les deux, mais pas dans la même classe, n’ont pas la même façon d’être, de vivre leur adolescence, ne se ressemblent pas. Et pourtant, un jour, un rendez-vous a été donné, discrètement, presque abruptement. « Je sais que cette scène vient de se produire, je ne suis pas fou, et cependant elle me semble invraisemblable. Je scrute le goudron, j’entends la solitude se faire autour de moi, le dépeuplement de la cour de récréation, le silence gagner. »
Et puis : « Ça commence là, dans l’hiver de mes dix-sept ans. »

Une explosion, et aussi le début de l’inquiétude… « Je découvre la morsure de l’attente. Parce qu’il y a ce refus de s’avouer vaincu, de croire que c’est sans lendemain, que cela ne se reproduira pas. » Mais les rendez-vous vont se succéder, et leur relation vivre au cours de l’année scolaire.
Évidemment dans la clandestinité, dans le secret absolu. Car l’homosexualité n’est pas envisageable à cette époque, dans cette campagne, en Charente, comme ailleurs encore. « Il y a cette folie de ne pouvoir se montrer ensemble. […] Nous, on est rabougris, comprimés, dans notre censure. »

C’est ainsi que Philippe Besson, nous parle de ce premier amour, de ses blessures, de ses bonheurs. De ses doutes. Il nous prendra à témoin. Et nous trouvera réceptifs : « Plus tard j’écrirai sur le manque. Sur la privation insupportable de l’autre. Sur le dénuement provoqué par cette privation ; une pauvreté qui s’abat. J’écrirai sur la tristesse qui ronge, la folie qui menace. Cela deviendra la matrice de mes livres, presque malgré moi. »  Ainsi tout au long de ce livre l’auteur découvrira, avec nous, et approfondira ce qu’il vit, a vécu, il utilisera même régulièrement les parenthèses, afin de rectifier ou d’ajuster ses propos, comme si l’exacte vérité devait être traitée dans cette urgence.

L’année scolaire se termine, les deux jeunes gens ont leur Bac, et l’avenir semble tracé : pour Philippe, les études supérieures, et pour Thomas, seul garçon de sa famille, ce n’est pas le même destin, il doit seconder son père à la ferme.
Les vacances les séparent.
« Pour moi quand enfin je prendrai la mesure de la rupture, il s’agira d’un déchirement, d’une souffrance très pure. J’ai toujours pensé que c’était  moi qui souffrirais le plus. J’ai même considéré que je serais le seul à souffrir.
Parfois, on manque de discernement.»

Le récit continue avec deux autres parties. Les années ont passé, ce premier amour «immense» reste actif, le recul alors, le temps, la réflexion de l’homme, la mémoire de l’écrivain…

Dans beaucoup de ses livres, que ce soit en évoquant la communion des corps ou la passion des âmes, Philippe Besson sait faire mouche. Mais dans celui-ci, il se raconte simplement dans son écriture percutante de justesse. Puisque l’image vient, que la poésie s’y promène, et que la finesse des pastels nous surprend. Comme cette musique durassienne en sourdine, même si elle n’est parfois qu’un murmure que l’on perçoit dans les livres de Philippe Besson, mais qui cette fois encore, semblerait bien être chez elle.
Alors, et si à la fin de notre lecture, nous retournions vers cette toute première phrase du livre, ce magnifique souffle de deux pages qui se termine par : « et. » ?
Afin de mieux recevoir la vérité des émotions et leur lumière ?…

Anne-Marie Boisson 
(28/02/17)    



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Lectures









Julliard

(Janvier 2017)
198 pages - 18 €










Philippe Besson,
né en 1967, écrivain, scénariste, critique littéraire et animateur de télévision, a écrit une vingtaine de livres et obtenu plusieurs prix dont le Grand Prix RTL-Lire pour L'Arrière-saison. Ses romans, sélectionnés pour le Femina, le Médicis ou le Goncourt, sont repris en 10/18 et traduits dans une vingtaine de langues. Son frère a été adapté au cinéma par Patrice Chéreau (Ours d'argent à Berlin) et Un homme accidentel par Rodolphe Marconi. Philippe Besson a aussi écrit plusieurs scénarios pour la télévision.




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