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I - Ils m’ont menti
Quoique totalement invraisemblable, on se plaît à croire à cette histoire rocambolesque. Quelques nouveaux personnages bien typés : Alceste, écrivain « addict à la vérité vraie » qui part en croisade contre le mensonge qui a bercé son enfance et dénonce au passage les émissions de téléréalité où le public applaudit sur commande, où tout est factice et insignifiant ; Georges Lapietà, ancien ministre, affairiste qui vient de liquider les filiales du groupe LAVA, multinationale des eaux, et s’apprête à toucher une belle somme en guise de parachute doré. Alors qu’il se rend à la remise de son chèque, il est enlevé et avec quelle maestria ! On comprend rapidement que les ravisseurs sont des Robin des Bois, qu’ils ont un mobile politique et non crapuleux, d’autant que la rançon doit être remise à un prêtre au profit de ses bonnes œuvres en grande pompe, sur le parvis de Notre-Dame de Paris. Le manifeste des ravisseurs précise : Grâce à l’enquête policière on apprend tout des malversations de Lapietà et de ses comparses : attribution frauduleuse de marchés publics, rachat de promoteurs en faillite, licenciements, revente après dégraissage, « et ainsi de suite jusqu’à gonfler à mort les finances du groupe LAVA. Le boulot fini, il se tire, point barre. Il passe à autre chose. Au foot, en l’occurrence, qui n’est pas d’un rapport négligeable non plus. » Je ne peux m’empêcher de rapprocher cet enlèvement de celui raconté par Gérard Mordillat dans La brigade du rire ou encore dans Notre part des ténèbres. Puisque la Justice et l’Etat ont abandonné l’intérêt des salariés, c’est ici un tribunal provisoire qui inaugure le « premier enlèvement caritatif de l’histoire de notre justice. »Que révèlent ces mises en scène sur notre société ? Pourquoi éprouve-t-on un tel plaisir à voir ces magouilleurs ridiculisés, défaits par des juges intègres, les rois de la finance brisés par des idéalistes ? Les citoyens que nous sommes délèguent-ils aux écrivains la mission de faire justice ? Cependant, on trouve une certaine parenté avec les mouvements anticapitalistes tels « Occupy Wall Street », qui sont « les 99% qui ne tolèreront plus la rapacité et la corruption du 1% restant », « Podemos », et autres « Indignés » qui ont contribué à faire chuter l'ancien directeur général du FMI Rodrigo Rato, accusé de blanchiment de capitaux. Mais ils n’ont pas le culot, le courage politique ou la dose de folie des personnages de fiction de Mordillat ou de Pennac. On peut le regretter. Nadine Dutier |
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