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L'homme est contacté par la gendarmerie : son père vient d'être retrouvé au pied d'une falaise plusieurs jours après son décès. Celui-ci serait dû à une glissade mortelle alors qu'il était parti en forêt ramasser des champignons. De cette mort brutale et mystérieuse, il n'apprendra pas grand-chose d'autre. « Je ne l'ai pas vu. Je ne connais pas le jour exact de sa mort. Je n'ai pas de certitude absolue quant au caractère accidentel de la chute. Je connais le point de départ et le point d'arrivée, je sais à peu près où il a dévalé, mais il me manque le ressort, la cause, l'explication, le dénouement. » La famille a suivi une ascension sociale sur plusieurs générations, des arrière-grands-parents agriculteurs aux grands-parents ouvriers jusqu'au père artisan, infirmier chez les toxicomanes, éducateur puis prof de yoga. Cet homme intègre et singulier, aussi doux que capable de terrifiantes colères, investi dans les associations de son territoire, toujours animé par « les valeurs et les idéaux de leur jeunesse » et présent à toute les manifs comme au bon vieux temps, était un libre-penseur. L'homme qui avait vu ses aspirations « toujours contredites, empêchées, castrées [...] par ce petit Jura auquel il était resté cloué » se rêvait « une vie d'aventure et de liberté, une vie imprévisible et stimulante, une vie d'artiste peut-être. » Alors, célibataire depuis plus de trente ans, il avait dépensé sa vie à papillonner d'activité en activité, de femme en femme, de découverte en découverte. Il avait aussi à cœur de « rappeler à qui veut voir les choses de façon trop simpliste, que le monde rural n'est pas un repaire de rustres, d’illettrés, de racistes et de pédophiles ». Du fils narrateur on apprendra fort peu de chose, un homme en couple depuis dix ans, père lui-même de deux fillettes, discret, se disant rêveur et velléitaire. Ce n'est pas lui le héros ni le sujet du livre. Si ce roman est autobiographique, c'est dans son analyse de la relation père/fils à travers les souvenirs d'enfance et d'adolescence, dans cette volonté de construire un tombeau littéraire à cet homme à la trajectoire modeste qui « a consacré l'essentiel de sa vie professionnelle à mettre en pratique ses idées [...] c'est-à-dire à lutter contre les inégalités, en œuvrant auprès des populations défavorisées, handicapées, rejetées , isolées [… avec] cet engagement concret, par la pratique au jour le jour. » Un roman pudique, juste et émouvant, qui à travers le personnage du père dépeint toute une génération d'alternatifs, de travailleurs sociaux et de militants politiques, associatifs ou écologistes, à laquelle le narrateur rend hommage. Et pourquoi s'interdire de penser que, derrière la nostalgie que le lecteur perçoit entre les lignes à l'évocation de cette époque où les hippies ou écolos alternatifs vivant en communauté s'engageaient dans la lutte politique et idéologique pour un monde plus juste et plus respectueux de l'homme et la nature, c'est un questionnement présent sur notre société encore plus inégalitaire et destructrice aujourd'hui et un désir de voir le flambeau de la lutte anti-capitaliste repris par la nouvelle génération qui s'avanceraient ici masqués ? Ce texte à la fois intime et profondément ancré dans notre société est porté par une écriture d'une lumineuse simplicité et d'une force d'évocation remarquable qui donne à ces pages toute leur profondeur. Un grand texte à lire absolument. Dominique Baillon-Lalande (06/02/17) |
Sommaire Lectures Editions P.O.L. (Février 2017) 160 pages - 10 € Folio (Octobre 2018) 128 pages - 6 €
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