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Douze nouvelles. Des histoires de fugue, avec l'espoir d'un ailleurs meilleur vers la gloire, l'aventure, la pureté, la fraternité, dans un Orient mythique pour se retrouver dans un pays en guerre (principalement la Syrie et l'Irak) au cœur de la violence et des armes, avec le viol et l'esclavage des femmes, le sang, la destruction sauvage des populations et du patrimoine... Le livre débute sur des extrémistes dans un musée, à la recherche d'une toile à lacérer – le tableau sera de Delacroix : Les femmes d'Alger (Femmes d'Alger, filles de joie) – pour se terminer en boucle sur les ruines de Palmyre où errent une femme : « Son mari fait des affaires à la frontière turque, son fils aîné est un soldat de la mort, l'instituteur a péri sous les décombres de son école, le dernier est parti, sa maison est en cendres. Et elle... Abandonnée, elle fuit la guerre, le malheur non. Elle marche, elle marche. Vagabonde à demi-folle en haillons. […] Les femmes aux yeux bleus l'attendent. » (La vagabonde de Palmyre) Certaines nouvelles sont directement centrées sur de jeunes fugueuses (Kahena ; La petite criminelle ; Le pays de la joie) et Leïla Sebbar tente par la description de leur contexte de vie en France de trouver des pistes pour comprendre ces départs « volontaires » de jeunes femmes courant à leur perte. Mais l'auteur ne s'arrête pas à ces seuls destins féminins. Ainsi dans la nouvelle Dans le Cantal, c'est un tout jeune couple de religion musulmane vivant en France qui s'engage dans le djadisme. À côté de ce radicalisme à l’œuvre chez ces jeunes Français, l'écrivain aborde aussi les attentats, l'endoctrinement là-bas comme ici, la réalité de la guerre avec ses enlèvement pour alimenter les bordels à soldats et les crèches, les meurtres, les exactions sur les populations. Une nouvelle (Le jour où elle a parlé), l'histoire d'une petite fille (puis jeune fille) ni muette ni sourde mais qui ne parle pas, embarquée dans une manifestation « chaude et joyeuse », se détache de l'ensemble par son sujet (le printemps arabe) et son ton. Par son léger décalage avec le sujet premier du recueil, par la fraîcheur et l'émotion poétique que dégage l'héroïne et narratrice, par sa pudeur dans l'écriture et sa fin ouverte, elle témoigne bien de cette manière qu'a l'auteur de susciter le questionnement plutôt que d'asséner des réponses toutes faites. Une façon de s'attacher aux êtres pour incarner ses douleurs, ses colères, ses doutes ou les causes qu'elle défend. Les mères sont ici presque plus présentes que leurs filles. Ce sont elles qui prennent de plein fouet la disparition ou la fuite de leurs enfants, partagées entre l'incompréhension et la honte, qui ici ou là-bas sont confrontées à la douleur de la mort des leurs, victimes ou meurtriers, qui sur place subissent la violence et la peur au quotidien. Elles apportent à ces récits déclinés sur le registre journalistique de façon récurrente aujourd’hui, une humanité tragique d'une grande intensité, une puissance évocatrice éminemment littéraire, qui fait la différence. Un recueil fort et poignant qui jette un regard implacable sur ce monde embrasé par l'obscurantisme et le fanatisme religieux tout en restant dans une respectueuse empathie avec ses personnages. Dominique Baillon-Lalande (15/03/17) |
Sommaire Lectures Elyzad (Janvier 2017) 140 pages - 15,70 €
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