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Jo vivait très solitaire et ces visites dans cet appartement qu’ils ne connaissent que peu à l’exception de Franck et qui les met mal à l’aise sera l’occasion pour chacun d’un retour en arrière et d’interrogations multiples sur les signes qu’ils n’auraient pas vus ou compris chez la jeune femme, sur ce qu’ils auraient dû faire ou ne pas faire. Des moments qui s’avèrent plus perturbants encore que ces heures passées à l’hôpital à parler à Jo espérant qu’elle sorte de ce sommeil profond où elle s’est volontairement plongée. Progressivement, de ces individus fermés les uns aux autres qui ne se connaissent qu’à peine, va se constituer un début de communauté, capable par instant de partage, d’acceptation voire d’indulgence, d’un éveil à l’humanité qui va permettre aux autres (et ainsi aux lecteurs) de les cerner un peu mieux et de cheminer à leurs côtés. En parallèle, va se développer un duo constitué par l’atypique gardienne de l’immeuble et Robert Rizeau, un locataire mélomane et misanthrope de l’étage supérieur, offrant un écho décalé aux pensées ou aux mots qui planent dans l’appartement de Jo ou à l’hôpital. Et, pendant les trois semaines couvertes par le roman, Madame Kosta engraisse et se transforme...
La construction d’une rigueur quasi clinique et l’écriture tout en réserve utilisées par Ella Balaert pour ce roman laissent par contraste la sensibilité des personnages se révéler sans contrainte. Jo étant certes au centre de l’histoire mais absente à elle-même, ce sont ses proches qui seront sujets et narrateurs pour en restituer l’image. C’est un personnage extérieur à la famille, cette concierge à la personnalité forte, aussi bienveillante que dotée de bon sens, qui incarne ici l’image de la réconciliation, de la générosité et de l’énergie vitale. Une figure tutélaire positive qui domine la situation, tisse du lien, crée de la cohérence et fait contrepoids à l’angoisse et au désespoir. Une femme lumineuse qu’on aimerait bien avoir dans son immeuble et qui d’une certaine façon mène le jeu ! Mais le plus surprenant est la figure de madame Kosta, ce chat-enfant souverain et inquiétant croqué avec jubilation ou comme un personnage maléfique suivant les scènes. Tel un double tendre et violent de Jo dans le coma, à la frontière du monde des humains et de la vie, elle s’impose avec grâce et fureur sur l’ensemble du roman comme un troublant personnage. C’est un livre tout en nuances et subtilité sur notre société, la solitude et les relations humaines qu’à partir de ce suicide nous offre Ella Balaert. Mais très étonnamment, loin de nous engloutir dans la désespérance, c’est une lueur d’espoir qu’elle propose aux lecteurs à travers la chaleur humaine qu’elle tisse autour de ses personnages comme un manteau contre le malheur. Et c’est simplement rare, beau, profond et émouvant. Dominique Baillon-Lalande |
Sommaire Lectures Éditions des femmes (Janvier 2018) 178 pages - 13 €
Bio-bibliographie sur le site de l'auteure : https://ellabalaert. wordpress.com/ Découvrir sur notre site d'autres livres d'Ella Balaert : Canaille blues Quand on a 17 ans Le pain de la liberté George Sand à Nohant |
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