Retour à l'accueil du site





Michel LAMBERT

L’adaptation



Le nouveau roman de Michel Lambert se déroule à Bruxelles au moment des attentats qui ont créé un climat de terreur dans une ville sillonnée par les militaires et les sirènes de police. Le narrateur est un réalisateur de cinéma qui a décidé d’adapter le roman d’Alexandre Tišma, La jeune fille brune. « L’histoire d’un homme qui ne parvient pas à se libérer du souvenir d’une unique nuit d’amour avec une jeune inconnue à la chevelure brune. » Le réalisateur est confronté à des difficultés personnelles et professionnelles très liées les unes aux autres.

Sur le plan personnel, il vit seul depuis le décès de sa femme Marion dans un vaste appartement aux allures de musée. Sur les murs, les rares visiteurs peuvent admirer des originaux de Van Dongen, Delvaux, Soulages, Sonia Delaunay, Poliakoff, Léger, Pascin… Son fils, Yvan, quarante ans, saxophoniste dans un quintet de jazz, a quitté depuis longtemps le domicile familial et vit de sa passion pour la musique.
Deux femmes vont traverser la vie du narrateur au fil du roman. Tout s’abord, dès les premières pages, une jeune inconnue rencontrée à un vernissage dans une galerie de peinture. Après une nuit à l’hôtel, elle disparaît avant qu’il se réveille. Une situation qui n’est pas sans rappeler le livre qu’il est en train d’adapter. Il ne dispose pour la retrouver que de son prénom, Betty, et de l’adresse de la galerie où il l’a rencontrée. Marielle, la galeriste, qui connaît Betty, va aussi succomber au charme du réalisateur. Relations complexes avec des femmes pour qui la vie n’est pas un long fleuve tranquille.

Sur le plan professionnel, il constitue son équipe de tournage avec des collaborateurs qu’il connaît bien, la plupart ayant déjà travaillé avec lui sur des films précédents et notamment Hem’ (surnom lié à la ressemblance qu’il cultive avec Hemingway) un scénariste et journaliste qui rêve d’écrire un grand roman. Sa femme l’a quitté et il trompe sa solitude avec les cigares et le whisky. Une forte amitié lie les deux hommes.
Les difficultés sont surtout d’ordre financier parce que les producteurs ne se battent pas pour mettre de l’argent dans un film auquel ils ne croient pas, d’un réalisateur qu’ils considèrent comme fini.
Il faut aussi trouver les comédiens qui interprèteront les rôles de la jeune fille brune et de l’homme qui la rencontre. La recherche est longue et hasardeuse. Il faut effectuer des essais et constituer un couple crédible.

Outre le cinéma qui est omniprésent, plusieurs disciplines artistiques jouent un rôle important dans cette histoire. La peinture, Betty est peintre et Marielle galeriste. La musique avec Yvan et son groupe qui vont être mis à contribution pour créer l’atmosphère de la rencontre des deux personnages du film. L’écriture, à la fois celle du scénario qui s’élabore en mêlant le roman adapté à des scènes de la vie réelle et celle du livre que s’efforce d’écrire Hem’.

L’ensemble est porté par la personnalité du narrateur, mélange d’enthousiasme et de mélancolie, de sentiment de vieillissement et d’abandon. « À quoi bon se faire des illusions ? Sans cesse nous abandonnons et sommes abandonnés, une fois que nous avons rempli notre fonction. » Il a l’énergie suffisante pour construire un projet artistique ambitieux, créer et mener une équipe de plusieurs personnes, aborder et séduire des femmes plus jeunes que lui et, en même temps, il se pose sans cesse des questions sur la finalité de ses actes et de son travail, sur sa légitimité à faire un nouveau film (un film de trop ?), sur la peur du temps qui passe, sur la solitude et l’abandon qui le guettent.

Nous retrouvons ici les thèmes qui nourrissent les romans et les nouvelles de l’auteur depuis des années et construisent, au fil de ses livres, un univers cohérent et original, une œuvre littéraire qui séduit et ouvre à la réflexion, qui amène le lecteur à partager et poursuivre les errances et questionnements des personnages dont il peut se sentir, selon les moments, très proche ou très éloigné, mais qui ne laissent jamais indifférents. La peinture des tempéraments et des lieux, la mise en scène des rencontres et des relations, la musique des phrases, Michel Lambert réunit dans son écriture tous les talents des êtres qui animent l’histoire qu’il nous donne à lire, un beau travail d’artiste.

Serge Cabrol 
(15/05/18)    



Retour
Sommaire
Lectures








Pierre-Guillaume
de Roux

(Mai 2018)
264 pages - 20 €









Michel Lambert,
romancier et nouvelliste,
a publié une quinzaine
de livres et obtenu notamment le Prix Rossel, le Prix Ozoir'Elles
et le Grand Prix de
la Nouvelle de la SGDL.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia





Découvrir sur notre site
d'autres livres
du même auteur :

Une touche de désastre

Le jour où le ciel
a disparu


Dieu s'amuse

Le métier de la neige

Quand nous
reverrons-nous ?


Le lendemain