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Nous suivons, en chapitres alternés, deux personnages qui, sans le savoir encore, aspirent à se rencontrer. Lui, Barnabé Raphaël, quitte Paris pour retourner dans le Sud-Ouest, vers les plages de son enfance. Eléna, quant à elle, habite près de l’océan avec son fils mais sans conjoint. Leurs histoires familiales se sont croisées deux générations plus tôt, peut-être en sera-t-il de même pour leur présent… Barnabé a trente-sept ans et une bonne situation dans un ministère quand une étrange rencontre l’amène à tout abandonner. Comme un écho au personnage du Destin joué par Jean Vilar dans Les portes de la nuit, un clochard qui l’observait depuis plusieurs jours l’aborde pour lui demander une cigarette et lui lance cette question insolite : « Pourquoi es-tu si dur ? » S’ensuit, au fil des chapitres dont il est le narrateur, un road-movie calme et poétique, qui le conduit, dans un premier temps, vers la maison de ses grands-parents où sont nées sa mère et sa tante. Tous sont morts, maintenant, mais il retrouve une vieille dame, amie de sa grand-mère qui va lui raconter pendant plusieurs jours les souvenirs qu’elle garde de la famille de Barnabé. En alternance avec Barnabé Raphaël, nous rencontrons Eléna, serveuse dans un hôtel-restaurant, près de l’océan. Elle élève seule son fils de six ans dont le père est mort trois mois avant la naissance. « Quatre générations de filles mères ! Comme une incessante valse névrotique du destin. Veules, lâches, violents ou merveilleux, les hommes de la famille sont aux abonnés absents. » Nous découvrons le souvenir de ces femmes, depuis l’arrière-grand-mère jusqu’à Elena, leur rapport aux hommes, leurs choix, leur courage, leur détermination… Tour au long du roman, la nature est bien plus qu’un décor. Barnabé ne cesse de s’extasier et de ressentir de profondes émotions face aux paysages qu’il traverse Il s’arrête régulièrement pour se donner le temps d’observer, de s’imprégner des atmosphères, des odeurs, des bruits de la campagne ou de la forêt, en attendant le parfum de l’océan. C’est au cours d’une de ces haltes au milieu de rien qu’une petite chienne noire se faufile dans sa voiture et refuse d’en descendre. Il va la garder avec lui jusqu’à la fin du voyage. Eléna, elle, a la passion des arbres. Depuis l’enfance, elle a l’habitude d’évoluer parmi les branches comme un écureuil. « Elle n'a jamais oublié ce qu'elle doit aux arbres, comme un refuge primitif, une possibilité d'être au-dessus du monde, à l'abri de tous les dangers, de tous les regards, une manière de voir loin et tout autour. » Voilà deux très beaux personnages qu’on découvre peu à peu, avec leurs failles, leurs histoires de familles, leurs goûts et leurs dégoûts, au fil d’une écriture profondément humaine qui laisse percevoir toute la tendresse que leur porte l’auteur et que nous sommes amenés à partager. Nous avions déjà beaucoup aimé les précédents romans d’Alain Cadéo, Zoé et Chaque seconde est un murmure, celui-ci nous confirme que l’auteur poursuit son œuvre avec constance, sans rien céder aux effets de mode, en prenant le temps de décrire les espaces, de peindre les émotions et de ramener l’humain à sa juste place dans l’univers, loin d’en être le centre comme il le croit parfois. Serge Cabrol
À noter que l’auteur a publié récemment chez le même éditeur, un recueil de textes plus personnels, à la fois philosophiques et poétiques, sans recours à la fiction, un livre de réflexions sur l’essentiel, sur le rapport aux autres, à la nature, aux relations entre le genre humain et le monde animal, mais aussi et surtout sur l’écriture, les mots, le verbe, le travail de l’écrivain… Un ouvrage qui accompagne à merveille le roman en le situant dans la perspective d’une pensée ouverte et cohérente. |
Sommaire Lectures La Trace (Mars 2019) 144 pages - 14 €
Découvrir sur notre site d'autres livres du même auteur : Zoé Chaque seconde est un murmure |
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