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Véronique OVALDÉ


Personne n'a peur des gens qui sourient


Ce roman est construit comme un film  policier; il y a l'histoire de Gloria et de ses filles aujourd'hui, avec ses suspenses et ses mystères, et, entrecoupant le récit du présent, des flashbacks  qui vont livrer les clés de compréhension de l'énigme : Gloria enfant, Gloria et sa mère indifférente, Gloria arbitre des disputes de ses parents, Gloria adolescente bagarreuse et solitaire, Gloria et son père inconsolable, le tonton Gio qui prend Gloria sous son aile, la rencontre avec Samuel, leur amour, la naissance des filles.

Le roman s’ouvre avec le départ précipité de Gloria et de ses filles qui fuient leur maison de Vallenargues, port de pêche face à la Méditerranée. Elles fuient le plus loin possible et sans laisser de trace. Le lecteur, comme ses filles ne savent pas ce qui les menace.

Gloria Marcaggi a perdu son père qui l’élevait seul alors qu’elle n’avait que 16 ans. Elle décide d’arrêter l’école et de travailler dans la pizzéria de tonton Gio qui était le plus proche ami de son père et comme lui d’origine corse. Gloria est astucieuse et solide, costaude comme on dit là-bas mais elle ne fréquente personne. « Les filles étaient des connasses sournoises et les garçons des bonobos lubriques ». Cette solitude a pour « inconvénient collatéral les idées noires ».

Entre Samuel et Gloria c’est le coup de foudre réciproque. Tonton Gio tente de la détourner de cette fréquentation mais leurs liens sont déjà trop forts. « …c’était un cadeau cet homme, il était d’une douceur extrême, le contraste entre la douceur des hommes et leur visible puissance physique est un miracle, c’est comme de voir un nourrisson délicatement enlacé dans les bras d’un géant [...] c’est une émotion triviale, parfaite, reptilienne, mais ça marche à tous les coups. »

L’activité de Samuel consiste à récupérer  des objets volés pour des collectionneurs et des antiquaires, d’où les réticences du tonton. Il rêve simplement de devenir faussaire. À 18 ans, Gloria va hériter de son père. Elle cesse de travailler et donne naissance à sa fille Stella. Mais après quelques années, elle supporte mal les absences de Samuel et elle souffre de colères pathologiques. Elle semble toujours en guerre contre tout. « Sa haine était farouche, imprévue, éternelle. » Parfois, elle provoque l’altercation, elle cherche la bagarre. Samuel s’en inquiétait et craignait que cela la mène à la folie. Elle répondait « Ce n’est pas ce que tu crois, ce sont les autres qui sont affreux ».

L’ombre de la folie, ces pulsions belliqueuses, sont le premier avertissement que Véronique Ovaldé envoie au lecteur ; nous sommes aux deux-tiers du roman et tout nous porte à croire que Gloria est une mère attentive qui protège ses enfants d’une réelle menace. Cette menace porte un nom, c’est Pietro. Quand elle apprend la mort de tonton Gio, tout va s’emballer et nous comprenons à la fin du roman que l’auteure nous a magnifiquement bernés.

D’où vient cet intense plaisir qu’on éprouve à la lecture de ses romans ? L’entremêlement d’un langage parlé très vivant, parfois argotique avec une langue plus précieuse ? Un récit parfaitement fluide, aux articulations huilées, où rien ne grince malgré une construction à haut risque ? Les petites incises qui interpellent le lecteur pour les rendre  complices « (Je ne peux m’empêcher de remarquer que Gloria  n’a pas d’amies. Toutes les tentatives de rapprochement des mères à la sortie de l’école ont échoué. Je vous laisse réfléchir  à la question.) » Au détour d’une phrase, mine de rien, une réflexion philosophique « Gloria observait Samuel et se demandait sur quoi reposait une relation : était-ce simplement sur la capacité d’oubli et de pardon de chacun des protagonistes ? Ce dont sont structurellement incapables certaines personnes, n’est-ce pas. » Ou encore ces longues phrases qui se dévident comme des pelotes de souvenirs.
Plaisir garanti de la première à la dernière page !

Nadine Dutier 
(06/02/19)    



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Lectures








Flammarion

(Février 2019)
272 pages - 19 €









Véronique Ovaldé,
née en 1972, a publié
une quinzaine de livres
et obtenu plusieurs
prix littéraires.

Bio-bibliographie sur
Wikipédia




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