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Dans ce roman, Amélie Nothomb n’a pas peur de prêter sa voix à Jésus, rien de moins, et elle réussit à être un Jésus profondément humain, un Jésus qui aime, un Jésus qui souffre, terriblement incarné. C’est donc Jésus le narrateur et non les apôtres, ce qui permet à Jésus de prendre ses distances avec les évangiles. Il le fait avec humour : C’est Jésus qui juge ses justiciers, « une parodie de justice », qui juge les témoins à charge, ses miraculés « il m’a fallu beaucoup d’efforts pour écouter ces litanies sans réagir ». Tous les sentiments exprimés par Jésus ; le mépris, l’humiliation, la peur, tous sonnent juste. Le Jésus d’Amélie Nothomb est totalement crédible et c’est un tour de force car il n’est pas seulement « le plus incarné des humains », il est aussi le fils de Dieu. « Je cache autant cette nature douillette que la précédente [voluptueuse] : cela ne cadre pas avec ce que je suis censé représenter. Un malentendu de plus. » Pour que Jésus connaisse la peur, Amélie Nothomb transforme l’histoire de la passion en imaginant une nuit en cellule après le procès. Pendant cette longue nuit qui précède son exécution, Jésus se remémore son premier miracle « mon préféré ». Personne ne lui a enseigné à accomplir des prodiges mais il a une « intuition foudroyante ». « Si j’avais réfléchi, c’était fichu. Ce qu’il fallait, c’était le contraire d’une réflexion. Je me suis anéanti. J’ai su que le pouvoir logeait juste sous la peau et qu’on y accédait en abolissant sa pensée. J’ai donné la parole à ce que, désormais, j’appellerais l’écorce et je ne sais pas ce qui s’est passé. Pendant un temps insurmontable, j’ai cessé d’exister. » Amélie Nothomb est-elle magicienne elle aussi ? Comment imaginer – de l’intérieur – ce que peut ressentir Jésus à cet instant précis ? À propos de Judas, Jésus précise ce qu’a été sa mission : « Si je n’avais fréquenté que les autres disciples, j’aurais peut-être oublié que j’étais venu pour des gens comme Judas : les problèmes vivants, les faiseurs d’embarras, ceux que Simon appelle les emmerdeurs. » Amélie Nothomb s’autorise et s’amuse à critiquer par anticipation notre époque. « Pour peu qu’on l’écoute, le corps est toujours intelligent. Dans un avenir que je ne situe pas, on mesurera le quotient intellectuel des individus. Cela ne servira guère. Par bonheur, on ne pourra jamais évaluer autrement que par l’intuition le degré d’incarnation d’un être : sa plus haute valeur. » L’auteure nous dépeint un Jésus amoureux, d’un amour très incarné : « Madeleine avait connu beaucoup d’hommes et je n’avais connu aucune femme. Néanmoins, notre absence d’expérience nous mettait à égalité. Face à ce qui nous arrive, nous avions l’ignorance des nouveau-nés. » Jésus décrit la soif comme allégorie de l’élan mystique. « Ce que vous ressentez quand vous crevez de soif, cultivez-le… Il y a des gens qui pensent ne pas être des mystiques. Ils se trompent. Il suffit d’avoir crevé de soif un moment pour accéder à ce statut. Et l’instant ineffable où l’assoiffé porte à ses lèvres un gobelet d’eau, c’est Dieu. » On sent que l’auteure s’est beaucoup amusée à écrire ce livre, sans se prendre au sérieux. Le lecteur y prend aussi beaucoup de plaisir. Nadine Dutier (28/01/21) |
Sommaire Lectures ![]() Albin Michel (Août 2019) 162 pages - 17,90 € ![]() Livre de Poche (Janvier 2021) 128 pages - 6,70 € Bio-bibliographie sur le site de l'auteur : www.amelie- nothomb.com Lire sur notre site des articles concernant d'autres titres du même auteur : Le fait du prince Une forme de vie Tuer le père Barbe bleue La nostalgie heureuse Pétronille Le crime du comte Neville Frappe-toi le cœur Les Prénoms épicènes |
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