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Daniel ARSAND

Moi qui ai souri le premier


Ce n’est pas le premier texte autobiographique de Daniel Arsand, mais sans nul doute celui où il montre sa nudité dans tout ce qu’elle a de vulnérable, de fragile, où il dévoile son désir, sa souffrance, sa solitude.
Abandonnant pendant ces 108 pages, l’enveloppe, toujours flatteuse de l’écrivain, de l’homme de lettres à la culture immense, aux savoirs éclectiques, aux passions flamboyantes, il nous relate une entrée dans l’adolescence cruellement marquée par trois souvenirs – ruines ardentes des premiers émois amoureux, de ce désir souterrain sur lequel on ne parvient à mettre de nom – dont l’essence est le viol, l’humiliation et la violence. Trois épisodes, Marc, Julien, Luc et sa horde comme les cavaliers de l’Apocalypse.
Daniel Arsand s’est dressé de ces décombres de l’amour, du désir, à force de mots « J’exultais à ce qui me semblait le verbe incarné ». Des mots dont le lecteur s’énivre, tant la beauté, la justesse, la force et la splendeur nous chavirent, nous faisant presque perdre de vue, la souffrance qui fut la sienne. Celle de l’homme, avec toute la complexité de ses sentiments, de ses envies, de ses peurs et détestations. « En écrivant je désenrayais les crispations, les reculs devant la nécessité de se dire, j’accroissais la lumière dont se paraient tant de mes jours enfouis… je collectais des braises que le geste d’écrire attiserait et rassemblerait… ». Se dessine alors un paysage, une ville, certains lieux qui témoignent et annoncent les livres passés et à venir.

Au travers de douze publications, l’écrivain nous fait entrer dans son univers, le cinéma, toujours, avec le destin foudroyé de Mireille Balin, dont la beauté s’abîmera dans la nuit.
La nuit que l’on retrouvera dans ces courtes et somptueuses nouvelles que sont Nocturnes, avant de devenir le fin orfèvre, qui cisèlera l’Orient, ses origines, en remontant à la source – Arménie - où beauté et cruauté se mêlent dans le lointain royaume des Khan, de La Province des Ténèbres (Prix Femina du 1er roman).
La ville assiégée, nouvelle fantastique au sens épique du terme, pose un premier jalon de l’architecture intérieure de l’écrivain, qui, avec deux romans admirables, En silence et Lilly, creuse l’histoire familiale en une peinture, dont les couleurs sont nourries de rêveries, lucidité et des destins qui n'ont d’exceptionnel que leur terrible inclusion dans l’Histoire de peuples opprimés.
Ivresses du fils ouvre la porte de l’autobiographie, exercice difficile où il convient de se poser la question de notre intérêt pour les faits et l’art de l’écriture. On trouvera la réponse dans Des chevaux noirs, derrière les masques du temps jadis, et Des amants, récit sans concession, poésie en fusion des paysages amoureux.
Personnifiés dans Alberto – nouvelle illustrée aux éditions du Chemin de Fer – où l’homme et la ville – cette fois Barcelone – se mêlent jusqu’à l’extase.
Après l’extase, la douleur. Douleur de cendres, douleur de sang, du manque, de la perte.
Un certain mois d’avril à Adana, fresque hallucinée où la douceur exquise du savoir vivre, disparaît sous la terreur, les massacres, les pogroms du peuple arménien, jusqu’à ne plus être qu’un souvenir dans l’âme des survivants.
Que Tal, la mort, encore une fois. D’un animal, un chat, un autre soi-même et c’est la cruelle absence qui envahit la vie, renforce la solitude.
Insoutenable lecture que celle de Je suis vivant et tu ne m‘entends pas, et en frère de Klaus Mann, Daniel Arsand narre le retour des camps de la mort d’un jeune homosexuel. Où l’on réalise que l’insoutenable est bien dans la bêtise, l’ignorance, l’égoïsme des êtres, ces maux que nourrissent tous les autres et nous rendent tels que parfois nous sommes : des assassins qui s’ignorent.

Daniel Arsand est un grand auteur, singulier, opiniâtre, passionné, lire ses écrits c’est accomplir un immense voyage – offert par un homme qui avoue ne pas aimer voyager – dans le monde intense, intime de son univers.
Et chacun de ses mots touche notre cœur, notre esprit, caresse nos sens et se déploie en un voile « brodé d’or et de pierres précieuses » : intelligence, culture, sensibilité qui nous grandit.
« Vous. Encore. Moi, toujours. Tous. Oui. Répétition. Oui. Mots. Immunité. Immensité. Désert. Facile. Tout. Sérénité. »

Marie Luise D'Orcisto 
(25/08/22)    



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Lectures







Daniel ARSAND, Moi qui ai souri le premier
Actes Sud

(Août 2022)
112 pages - 15 €

Version numérique
10,99 €









Daniel Arsand

Bio-bibliographie
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Des amants

Un certain mois d'avril
à Adana


Que Tal

Je suis en vie et
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