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Jean-Louis COATRIEUX


Tu seras une femme, ma fille



Nous sommes à Vienne à la fin de l'année 1938. La tristement célèbre "Nuit de cristal" a répandu son cortège de violences et de crimes sur la ville. La peur et l'angoisse hantent toutes les familles juives. Que faire ? Comment protéger au mieux les siens ? Rester ou Fuir ? C'est dans ce contexte que nous rencontrons la famille Reiss et ses proches. Une décision douloureuse et déchirante s'impose à eux : Erika, leur fille alors âgée d'une douzaine d'années partira pour la France dans un centre d'accueil en compagnie de sa cousine. Siegfried, leur fils aîné, un jeune adulte partira pour la Yougoslavie avec pour horizon la Palestine. Les parents Reiss quant à eux resteront à Vienne.

Avec subtilité et sensibilité, avec pudeur aussi et dans un style simple, Jean-Louis Coatrieux va accompagner Erika Reiss tout au long de ses séjours dans les différents centres d'accueil pour les enfants juifs réfugiés en France. Erika Reiss (devenue Eliane Richou), c'est elle la narratrice ! Une des grandes réussites de ce roman c'est de restituer avec justesse les paroles, les émotions, les angoisses et les peurs d'une enfant de douze ans mais aussi ses interrogations et sa compréhension du monde qui l'entoure, sa solidarité avec les plus petits, sa sensibilité aux méthodes pédagogiques, bref tout ce qui fait la dignité d'un enfant. Puis, quatre années plus tard, forte de ses épreuves, la langue de la narratrice devient la langue d'une adulte.

Pendant ces quatre années de guerre, Erika, va nous décrire avec précision sa vie d'enfant réfugiée, les lieux d'accueil, les paysages. Nous assistons à des départs précipités d'un lieu vers un autre pour éviter une rafle. Nous passons d'un moment de bonheur avec Alfred Brauner, le grand pédagogue mettant en pratique la République des Enfants, à des moments d'angoisse car sans nouvelles de ses parents et de son frère. Journées tristes et monotones avec le froid et la faim, la tristesse de voir partir un enfant dans une famille d'accueil que l'on ne reverra pas. Journées parfois plus drôles quand il s'agit d'envoyer un dessin au maréchal Pétain : « Les idées les plus farfelues fusaient de tout bord et Mme Flore comme Monsieur Henry [éducateurs] n'étaient pas les derniers à en rire avec nous. Marianne assise sur un sac de blé à moitié rongé par des rats, Marianne en fauteuil roulant, Spirou crachant sur l'ombre d'un soldat allemand, Fantômas sur les toits de Paris buvant au goulot d'une bouteille de Vichy... »

Journées aussi d'infinie tristesse où le pressentiment de la tragédie envahit la narratrice : « Et si j'étais triste, c'est parce que mes insomnies m'épuisaient, mes cauchemars ne me laissaient pas tranquille. Ils occupaient chaque nuit et la torture enflait chaque fois un peu plus. Je n'osais pas en parler, je voyais mes parents allongés, leurs visages tout blancs et cette image ne me quittait pas. Elle jaillissait parfois en pleine journée et je prenais peur… »

Au-delà des épreuves et de l'histoire singulière d'Erika Reiss, Tu seras une femme, ma fille est une superbe fresque historique de cette époque tragique et mortifère, extrêmement bien documentée où l'enfance et les enfants réfugiés est le thème central. Un roman d'une profonde humanité, un roman « pour que les enfants fassent grandir le monde et pour que le monde laisse grandir les enfants ».

Yves Dutier 
(11/04/22)    



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Jean-Louis  COATRIEUX, Tu seras une femme, ma fille
Riveneuve
(Avril 2022)
184 pages - 18 €








Jean-Louis Coatrieux,
né en 1946 à Saint-Denis, enseignant-chercheur et spécialiste de l’imagerie numérique médicale, a publié de nombreux essais, romans, nouvelles et recueils de poésie.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia



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