Si vous n’aimez pas tellement le vélo, comme nous le dit Jacques Anquetil en exergue, alors lisez absolument Peloton maison. Vous pourrez ressentir toutes les émotions, les douleurs, les combats, les stratégies, les rêves, les chutes, les peurs, les haines, les solidarités, les joies… vécues par des cyclistes professionnels.

Nous avons mal aux mollets avec eux quand ils grimpent un col, nous sentons la brûlure sur la peau après avoir râpé le goudron dans une chute… tout en profitant tranquillement de l’écriture de Paul Fournel où la précision du vocabulaire cycliste et l’humour nous plongent dans cet univers si particulier. Nous apprenons beaucoup sur la « cuisine interne » de cette compétition célèbre, le Tour de France, ainsi que de diverses autres courses cyclistes.

En effet, quel moteur pousse ces femmes et ces hommes à vouloir torturer leur corps pour gagner et dépasser leurs limites ?

Paul Fournel dénonce aussi le fait que le cyclisme féminin est très mal rémunéré dans une différence de 1000 à 100 000 euros dans les années 1980.

« J'étais championne du monde. Et je ne l'avais pas volé.
Il a fallu que je remette mon sourire dare-dare avant les vingt secondes de télé, parce que à force de pester j'avais une tête de vieille pomme ridée.
J'ai sauté sur le podium et on m'a enfilé le beau maillot arc-en-ciel.
Pour la course suivante, je l'ai étrenné et, en dessous des bandes arc-en-ciel, j'ai écrit "mal payée". Championne du monde mal payée !
Eh bien, tu le croiras ou pas, les officiels m'ont mis une amende de 2000 francs suisses pour avoir "souillé" le maillot. J'ai dû les emprunter ! »

Être au classement général, gagner une étape, rouler pour le leader quand on est équipier, lui donner son vélo quand il chute, mémoriser le parcours, changer de métier quand on ne fait plus le Tour de France comme cycliste, voilà différents moments très bien rendus. On apprend comment on se retrouve dans le fauteuil du peloton quand on a les jambes en enfer. Le peloton est la maison où l’on peut se reposer ! « Il y a un endroit dans le peloton, dans son ventre, vers le milieu, où pédaler est moins difficile. Bien abrité, niché, vous avancez selon le moindre effort. Parfois même vous parvenez à vous donner des temps de roue libre pendant que les équipiers tirent devant de toutes leurs forces. Cet endroit, qu'en moi-même je nomme "le fauteuil", est, cela va sans dire, très convoité. C'est le rendez-vous des éclopés, des porteurs de pansements, des épuisés de la veille. »

C’est un métier particulier puisque l’on vit une grande partie de l’année hors de chez soi sans ses enfants et son conjoint. La reprise après une longue pause est parfois douloureuse. C’est une vie en alternance avec aussi ses immenses joies procurées par le succès.

Peloton maison est une excellente manière de pédaler sur le Tour de France en se laissant porter par l’écriture de Paul Fournel fluide et très plaisante, garantie sans souffrance.

Brigitte Aubonnet 
(13/06/22)