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Il s’agit ici d’un roman puzzle ou d’un jeu de piste fait de quatre parties dont on ne voit pas le lien de prime abord. Mais patience, l’auteur nous en donnera les clés avant la fin. Laissez vous prendre par le style de Mikaël Hirsch si agréable, plein d’aphorismes, et de formules désopilantes. La première partie débute avec l’arrivée d’Arnaud Vogel dans un pensionnat suisse réservé à des jeunes gens ayant appris l’espéranto comme langue maternelle, des « denaskuloj ». Ses parents vivent dans la hantise d’une invasion soviétique suite à l’élection de François Mitterrand en 1981 et ils placent Arnaud en Suisse, comme ils placent leurs lingots d’or dans les banques. « Le fils serait mis à l’abri aussi bien que les économies. » Pour les trop jeunes lecteurs qui n’ont pas connu cette époque, cette référence historique n’est pas inventée par l’auteur mais bien réelle. Mais de façon paradoxale, si l’ambition de la langue avait été de transcender les nationalismes, le regroupement de cette minorité sur un territoire engendrait un sentiment d’appartenance. Immanquablement, les jeunes recréent une société avec sa hiérarchie, ses jalousies, ses clans. La deuxième partie retrace la vie de l’espérantiste Peter Ginz, jeune Pragois auteur de six romans, qui se réfugie dans l’imaginaire pour fuir la réalité nazie qui va le rattraper puisqu’il mourra à Auschwitz. L’établissement suisse qui accueille les jeunes porte son nom « Peter-Ginz » La troisième partie relate l’expédition de deux géologues suisses en 1936 qui partent découvrir les montagnes himalayennes au Népal et au Tibet, transgressant l’interdiction des autorités anglaises. Ils en ramènent une bête proche du yéti de Tintin. La quatrième partie revient vers Arnaud Vogel qu’on retrouve cette fois à l’âge adulte, victime du syndrome du golem, une invention de son psychiatre pour qualifier une forme de culpabilité qui prend la forme de la pensée magique de l’enfance qui n’a pas quitté Arnaud. Certains éclaircissements nous seront donnés dans cette dernière partie. Ce roman aborde de façon originale, drôle et profonde, des réflexions multiples. Sur la langue que nous parlons, et qui, sans que l’on s’en aperçoive, forge notre vision du monde. Le français est jugé par Arnaud comme « l’expression même de l’ambiguïté, l’incarnation du faux-fuyant, avec ses irrégularités innombrables et ses exceptions prédominantes, comme si la transgression de la règle était inscrite depuis toujours dans cette culture qu’il avait acquise sans qu’elle soit vraiment la sienne. On ne pouvait pleinement faire confiance à cette langue de cours ni à ceux qui la pratiquaient, car elle avait forgé une vision du monde fondée sur l’allusion et la polysémie. » On retrouve dans ce roman les thèmes chers à Mikaël Hirsch ; la tentation de s’enfermer pour se protéger, ces ghettos privés volontaires qui se multiplient. Sur une disneylandisation du monde, on crée un univers artificiel séparé du monde vrai. Des clins d’œil multiples au cinéma avec King Kong, ou Frankenstein qui revisite le mythe du golem. Nadine Dutier (14/03/22) |
Sommaire Lectures Le Dilettante (Janvier 2022) 224 pages - 20 € Mikaël Hirsch Bio-bibliographie sur le site de l'auteur : www.mikaelhirsch.fr Découvrir sur notre site d'autres livres du même auteur : Libertalia L'assassinat de Joseph Kessel |
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