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Michel LAMBERT

Le ciel me regardait



Michel Lambert est romancier et nouvelliste mais, contrairement à d’autres auteurs, dans son œuvre les recueils de nouvelles sont deux fois plus nombreux que les romans. Son premier livre publié était un recueil de nouvelles intitulé De très petites fêlures et, trente-cinq ans plus tard, ces "petites fêlures" sont toujours au cœur de ses textes. Dans un entretien qu’il nous a accordé il y a une vingtaine d’années, il précisait : « Je ne me vois pas écrire sur des gagneurs. Ils ne font pas partie de mon univers. C'est curieux, mais quand j'observe une personne qui ne va pas très bien, souvent, je me dis "tiens, c'est un personnage pour toi". Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai une sorte de tendresse particulière pour ce genre de personnage. Parler d'eux et porter un regard sur eux, c'est déjà leur rendre cette dignité qu'ils sont en train de perdre. Et puis mes personnages sont souvent au bord de la crise et c'est intéressant de savoir s'ils vont plonger ou reculer. » Et pour nous faire encore mieux partager le vécu et le ressenti de ses personnages, chaque nouvelle ici est écrite à la première personne.
Neuf nouvelles, neuf narrateurs différents, mais toujours des hommes, plus très jeunes, confrontés au temps qui passe, aux rêves inaboutis, aux déceptions, aux regrets, aux espoirs, parfois.
Chaque nouvelle est une rencontre, choisie ou non, une tentative de contact pour partager le poids de la vie, pour échapper à la solitude, pour profiter d’une pause, souvent dans un café, à Paris, à Bruxelles ou ailleurs.

La relation père-fils est abordée dans plusieurs nouvelles. Ce peut être le père désespéré par l’incompréhension qui s’est dressée entre son fils aîné et le reste de la famille depuis que le « petit » a grandi et s’est mis à dérailler, boire, sniffer, se mutiler, hurler sur ses parents et brutaliser sa sœur.  Il avait pourtant tout pour être parfait. Quel a été le premier faux pas ?
Mais le narrateur peut aussi être un fils qui n’a pas eu de nouvelles de son père depuis très longtemps et le voit débarquer chez lui un jour. « J’aurais pu faire le mort, le marin disparu, l’abonné rayé de l’annuaire, mais c’eût été le copier. Calquer ma lâcheté sur la sienne. » Les retrouvailles ne vont pas être chaleureuses ni exemptes de surprises.
Et puis il y a l’incertitude d’être père ou non, la souffrance de revoir la femme aimée des années plus tôt qui ne veut toujours pas révéler qui est le père de son fils. « – c’est un garçon très sociable. Tout le monde l’adore.
– Alors, c’est qu’il est de moi, dis-je en riant.
– Je ne crois pas.
– Mais rien n’est perdu, n’est-ce pas ?
– Non, rien n’est jamais perdu, répondit-elle à mi-voix. »
Cruauté du doute entretenu…

Se retourner sur son passé réserve parfois de mauvaises surprises et ne répond pas souvent aux questions qu’on peut se poser.
Un narrateur revoit deux femmes qu’il a fréquentées vingt ans plus tôt. Se souviennent-elles encore de lui ? Sont-elles maintenant en couple ?
Un autre est étonné du changement d’un ancien camarade de classe. Le gamin malingre et timide est devenu un homme riche et puissant. Est-ce vraiment la même personne ?
Pas facile non plus à une fête d’anciens élèves de devoir annoncer une mauvaise nouvelle à l’un d’entre eux. Comment faire ? Qui s’y colle ? Le narrateur appréhende le moment où ce sera indispensable.
Le passé repose parfois au cimetière et les visites n’y sont pas toujours paisibles et réconfortantes surtout quand il neige et qu’on y marche en compagnie d’un homme qui dit avoir tué sa femme. Vérité, affabulation ? Rien n’est jamais sûr.

De mystérieux hasards, d’étranges rencontres, ramènent les personnages de Michel Lambert vers un pan de leur passé, oublié ou douloureux, et nous les suivons dans leurs errances, leurs doutes, leurs réflexions, leurs espoirs ou leurs déceptions. Chaque nouvelle est un grand plaisir de lecture, tout en finesse et en subtilité, et ce recueil vient compléter une œuvre déjà riche d’une bonne quinzaine de titres, construite comme un savant cocktail de diversité et de continuité. L’auteur a un ton, un style, un univers… Pas de doute, chaque livre confirme son grand talent.

Serge Cabrol 
(04/05/22)    



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Lectures







Michel LAMBERT, Le ciel me regardait
Le beau jardin

(Avril 2022)
144 pages - 14 €










Michel Lambert,
romancier et nouvelliste,
a publié une quinzaine
de livres et obtenu notamment le Prix Rossel, le Prix Ozoir'Elles
et le Grand Prix de
la Nouvelle de la SGDL.


Bio-bibliographie sur
Wikipédia









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