Dans cet ouvrage, toute la période avec Jean Seberg et leur relation passionnelle est évoquée avec les difficultés liées au fait qu’ils étaient mariés chacun de son côté. A l’époque, c’était très mal vu. Divorcer était encore très compliqué. Cela montre bien l’évolution des mentalités depuis les années 1960. Après leurs divorces, ils se marient en 1962 et ont un fils, Diego.

Romain Gary a rencontré aussi André Malraux et le Général de Gaulle pour lesquels il avait beaucoup d’admiration.

Il a aussi réalisé un film pour donner un rôle qui mettrait sa femme, Jean Seberg, en valeur à un moment où cela devenait plus compliqué au sein de leur couple. La censure était encore importante à cette époque et le film a bien failli être interdit :
« Motifs consignés sur le procès-verbal : atteinte aux bonnes mœurs et trouble à l'ordre public... attendu que le film traite de la frigidité féminine en termes tragiques allant jusqu'à une tentative de suicide... attendu que six névroses féminines sur dix sont causées par la frigidité... Les oiseaux vont mourir au Pérou risque de pousser au suicide des femmes atteintes de frigidité... » Le film est quand même sorti en salle le 19 juin 1968 avec quelques coupures mais il n’a pas eu le succès attendu par Romain Gary. 

Cette biographie est passionnante car nous revisitons les années 1960-1970 avec les hommes politiques et les évènements de cette période. L’engagement de Jean Seberg pour les Black Panthers a entraîné une surveillance de celle-ci par le FBI. Nous découvrons aussi la perception de Romain Gary sur le monde et sur sa vie personnelle.

Il a beaucoup voyagé et a eu une vie multiple :
« "Toute langue a une structure mentale propre, dira-t-il à Livres de France en 1967. Je me suis aperçu par exemple en traduisant en français les trois romans que j'ai écrits en anglais que je suis forcé de les changer, de leur donner une autre dimension." De fait, cette instabilité permanente, ces nombreux voyages vont chambouler sa façon d'écrire. Pour l'écrivain polyglotte, traduire ce n'est pas transcrire ; c'est déplacer, remodeler, réinventer ; c'est réenchanter par la magie d'une autre langue, avec ses propres codes...
Mais en réalité, pour l'écrivain, la période est morose. Car dans le même temps, Jean est accaparée par les tournages ; s'instille alors dans leur couple une mécanique pendulaire : lorsque Jean tourne, Romain s'isole. Dans les coulisses ou reclus derrière les murs de leur chambre d'hôtel, il écrit, tant bien que mal, au gré des voyages et des humeurs. »

L’écriture est fluide et tout à fait passionnante. L’intégration de tous les éléments personnels, historiques et littéraires au fil du texte réalise une chronique très réussie sur une époque et un écrivain aux multiples facettes.

Brigitte Aubonnet 
(07/12/22)