Comment se construire quand on nait dans un pays en guerre, un pays où les hommes se taisent, où seules les armes ont voix au chapitre ?
Cette enfant qui arrive comme un non-sens, le désir de vivre chevillé au corps, dans ce pays où l’on tue, cette enfant, en arrivant au monde, va crier plus fort que la guerre. Et elle va grandir avec en elle, instinct de survie, la nécessité de se taire et de se faire discrète.
Alors, régulièrement, pour s’extraire de ce monde absurde, elle grimpe dans son citronnier. De là-haut, elle peut voir sans être vue, à l’abri, faisant corps avec son plus fidèle ami. Impuissante, la fillette assiste à des scènes qui ne devraient pas exister : son père contraint d’enterrer des livres censurés, des fusillades.
Ce jour-là, nichée au cœur du feuillage protecteur, elle assiste à l’inimaginable, l’intrusion de la milice de la dictature en place dans sa maison… Elle ne peut retenir ses larmes, un flot puissant de larmes qui va tout emporter sur son passage, les corps inertes, les habitations, tout balayer, traverser villes, forêts et continents, pour finalement se jeter dans la mer et s’apaiser sur une plage.

Son lit est devenu large,
son débit, généreux,
son flot, calme.
Là, la nuée d’oiseaux blancs s’est posée.
Ils ont fait leur nid.
Là, un jour, un citronnier va pousser.

Promesse d’une nouvelle vie, de paix et de sérénité.

Les illustrations sont magnifiques. Pleines de justesse et de délicatesse, elles permettent aux jeunes lecteurs de mettre des mots sur la guerre et la dictature.

Voici un très bel album, esthétique et poétique, qui bien que traitant d’un sujet grave, reste optimiste et dans lequel la vie est plus forte que tout le reste.

Un livre beau et nécessaire.

Cécile De Ram 
(01/03/23)