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Roland NADAUS


Des mots qui ont des mains




Philippe Soupault, Saint-Pol-Roux, André Breton...
Roland Nadaus commence très tôt à écrire de la poésie, vers douze ou treize ans, et en classe de seconde un professeur lui fait découvrir le surréalisme et rencontrer Philippe Soupault.
Lorsqu'il est en khâgne, il se rend à Camaret et découvre les souvenirs laissés par Saint-Pol-Roux, notamment son manoir – en ruines depuis les bombardements de 1944 – face à la Mer d'Iroise. En une nuit, il lit le livre de Briant consacré à Saint-Pol-Roux (1861-1940) chez Seghers. Ce précurseur du surréalisme le passionne. Il prépare des conférences qu'il présente à Paris, au Théâtre du Tertre, à Liège, à Édimbourg, à Glasgow...
En 1965, il participe à des numéros spéciaux consacrés à Saint-Pol-Roux par une revue belge, "L'Essai”, dirigée entre autres par Jacques Izoard, et une revue suisse, "Poésie vivante". Le numéro de L'Essai comportait un certain nombre de lettres de Paul Valéry, Max Jacob, Francis Jammes et André Breton. Roland Nadaus écrit donc à André Breton pour lui demander l’autorisation de publier deux de ses lettres prêtées par la fille de Saint-Pol-Roux, Divine. Son courrier restant sans réponse, il envoie alors une lettre comme on peut en écrire à vingt ans : "Vous n'avez pas répondu, je suis très déçu... Sans réponse dans les huit jours, je considérerai que j'ai votre à accord pour publier vos lettres !..." Et il reçoit d'André Breton une lettre délicieuse : "je ne vous ai pas répondu plus tôt, j'en accuse la fatigue... Venez me voir..." Roland Nadaus, téléphone, prend rendez-vous, sèche les cours et passe une matinée inoubliable avec André Breton qui fait preuve d'une grande gentillesse et autorise bien entendu la publication des lettres.

Les premières publications
Ce sont des poèmes dans une revue dont Jean Cocteau était le parrain, dans "La corde raide", "La tour de feu" et diverses revues belges.
Ensuite, il rencontre Pierre Boujut et participe aux congrès de "La tour de feu", revue de poésie internationaliste et rayonnante. Ces congrès avaient lieu chaque année, le 14 juillet. "On buvait du cognac, on déclamait des poèmes dans les chais et on cherchait les thèmes des numéros suivants".
Roland Nadaus a aussi écrit deux pièces de théâtre dont une pour marionnettes, commandée par une troupe et qui a été beaucoup jouée.

Romans et recueils
Kenneth White, rencontré à Glasgow au temps des conférences, lui conseille de prendre contact avec Pierre Leyris, grand traducteur de poètes anglais et notamment de Blake. La rencontre est passionnante. Roland Nadaus montre ses textes, Pierre Leyris les trouve intéressants et un premier livre paraît au Mercure de France sous le titre Maison de paroles. Trois romans, Journal-vrac, Malamavie et Papaclodo, se succèdent rapidement aux Nouvelles Éditions Rupture. En dédicace de Papaclodo, on peut lire : "Je dédie ce roman, sous le signe du réalyrisme, à tous ceux que la vie rejette, et qui refusent cependant de la quitter". Lenfandalors, cloué au lit revoit le parcours qui a transformé Papalouvrier en Papaclodo. "Il savait déjà que la révolte et la peur sont cousines et que seule, l'indignation, cultivée pour qu'elle ne meure pas d'avoir si souvent raison, est susceptible de différer la mort" (page 38). Ces livres sont aujourd'hui introuvables et c'est bien dommage. Ils mériteraient amplement une réédition.
Parallèlement aux romans, Roland Nadaus a publié bon nombre de recueils de poèmes notamment des Écrits d'avant l'écriture et un Dictionnaire initiatique de l'orant aux éditions la Bartavelle, Je ne tutoie que Dieu et ma femme chez Jacques Brémond.

"Des mots qui ont des mains, des mains qui donnent du sens"
Poète et romancier, Roland Nadaus est aussi maire de Guyancourt et président du Syndicat d'Agglomération Nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines. Son travail de bâtisseur est intimement lié à son existence de poète.
"L'homme c'est le pouce opposé aux autres doigts et c'est la parole, il faut réunifier le mot et la main. Ma quête c'est la recherche de l'unité. J'essaie d'avoir des mots qui ont des mains, pour construire la ville, et pas seulement des mains qui fabriquent mais des mains qui donnent du langage, qui donnent du sens".
"Concevoir une ville, placer une école, des commerces, greffer un nouveau quartier, c'est donner du sens au quotidien, reprendre l'homme comme unité centrale, chercher l'équilibre entre le sens du divin et le sens de l'humain."

Une inlassable quête
Profondément laïc et anticlérical, Roland Nadaus n'en est pas moins persuadé que "l'existence de Dieu reste la seule question importante". Il a enseigné la préhistoire pendant plusieurs années et reste passionné par cette époque à laquelle il a consacré deux recueils de poèmes, Premier cahier de préhistoire (VR/SO) et Écrits d'avant l'écriture (La Bartavelle), fasciné par l'écriture qui sépare la préhistoire de l'histoire, par la parole qui sépare l'humain de l'inhumain. Qu'est-ce que Dieu sinon le Verbe ? Tous les grands livres religieux, la Bible comme les autres, sont construits autour du Verbe.
"En littérature comme ailleurs, je cherche des gens qui soient dans la cité, dans la parole et dans le divin. Bernanos m'intéresse, Claudel m'intrigue. Le Claudel poète dont la langue est superbe, le Claudel révolté qui veut entrer dans les ordres mais tombe amoureux et fait l'amour, ce qui avant 1914 représente une terrible déchirure".
Dans sa vie, ses lectures, ses écrits, Roland Nadaus poursuit une inlassable quête de l'unité entre le mot et la main, entre le divin et l'humain.


Portrait paru dans Encres vagabondes N°4, Janvier 1995







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