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Renaud MEYER

Auteur et metteur en scène
de Zelda & Scott

A l'occasion de la création de Zelda et Scott au Théâtre La Bruyère, Encres Vagabondes est allé à la rencontre de Renaud Meyer, un homme un peu touche-à-tout, à la fois auteur, prof, comédien et metteur en scène. Il a bien voulu nous confier quelques réflexions au sujet de sa pièce et de son travail.


Votre pièce Zelda et Scott, actuellement à l'affiche au Théâtre de La Bruyère, remporte un beau succès et Encres Vagabondes aimerait vous connaître davantage. Pouvez-vous nous dire quelques mots à propos de votre parcours théâtral ?
J'ai commencé par écrire, mettre en scène et jouer dans mes propres spectacles… et puis j'ai décidé d'abandonner la mise en scène pour me consacrer uniquement à mon métier d'acteur. J'ai joué beaucoup en compagnie et un peu à la Comédie française. J'ai dû faire cinq spectacles au Français, souvent des spectacles chantés. J'ai beaucoup fait de spectacles musicaux et là, je reviens à la mise en scène.

Comment vous est venue l'idée de mettre en scène Zelda et Scott Fitzgerald, ce couple légendaire des années vingt, ces "années folles" ?
Oh, ça été un peu par tâtonnements. J'avais lu une biographie de Zelda et de Scott. J'ai trouvé leur vie intéressante parce qu'elle était à la fois joyeuse dans les débuts et plus dramatique par la suite avec la folie qui venait s'en mêler. Pour l'écriture théâtrale c'est du pain béni. Et les personnages de Zelda et Scott se mettaient en scène dans la vie réelle.

En Amérique, comme en Europe, il y a dans les années vingt, une formidable émulation créative. Un vivier d'artistes est concentré à Paris, en particulier dans le quartier Montparnasse et Paris est une fête comme le signera si bien Hemingway. Que représentent pour vous ces années ?
Un foisonnement de liberté totale… et aussi le maillage de ces artistes et de ces arts éloignés les uns des autres. On avait Matisse, Fitzgerald, Picasso… et aujourd'hui c'est beaucoup plus rare. Il manque la curiosité par rapport au foisonnement de cette époque.

Venons-en à Zelda que Sara Giraudeau campe avec une grande énergie. On dirait une petite fille immature, hystérique. Elle veut être écrivaine, danseuse… N'a-t-elle pas comme on dit "les yeux plus gros que le ventre."
Zelda a eu une enfance gâtée et il y a eu une inversion qui s'est produite dans sa vie quand le couple est allé à New-York. Quand ils habitaient Montgomery, elle était la petite star de l'Alabama et Scott n'était personne. Et à New-York, la situation s'est inversée. Scott est devenu la star, l'écrivain célèbre. Zelda veut faire des choses, a de l'énergie, mais elle ne sait pas faire, même si elle a certains talents.

Quant à Scott, malgré une reconnaissance mondiale, il est un homme fragile, terrorisé à l'idée de perdre son inspiration. Est-ce pour cela qu'il plagie abondamment le journal intime de Zelda ?
Le journal intime de Zelda devait être intéressant. Au départ, il a pris un peu dans ses carnets l'idée de la garçonne. Elle était représentative de cette génération. Mais il a indiqué à Zelda qu'il avait déjà les images d'elle dans sa tête avant de la rencontrer. Et elle ressemblait tellement à son héroïne, qu'il a décidé de l'épouser. Mais je ne pense pas que Zelda soit une victime dans l'histoire. Lui est fragile et elle sait en faire ce qu'elle veut avec son corps ; elle a ses armes aussi.

Sara Giraudeau, Julien Boisselier et Jean-Paul Bordes sont tous les trois excellents dans leur rôle. Comment avez-vous pensé à eux ?
J'ai rencontré d'abord Jean-Paul (Bordes). On avait joué ensemble à la Comédie française. Je lui ai dit, en plaisantant, qu'il ressemblait à Hemingway et je lui ai demandé s'il ne voulait pas lire la pièce. Il l'a lue et l'a trouvée formidable. Il a donné le texte à Sara (Giraudeau) et elle a été tout de suite d'accord. Enfin, j'ai contacté Julien (Boisselier) que je ne connaissais pas. Je trouvais qu'il avait tout de Fitzgerald : la fragilité, la féminité, l'élégance, le dandysme. Après, sur la mise en scène, ils m'ont fait confiance.

Est-il difficile de diriger des comédiens ?
Il ne faut pas diriger les comédiens. Il faut plutôt les guider vers ce qu'il y a de meilleur en eux et pas forcément sur ce qu'ils savent faire. Il faut lire en eux malgré eux.
Jean-Paul Bordes, quand il joue la comédie, est très extraverti et je me suis dit qu'il fallait qu'il soit tragédien. Julien Boisselier, on l'a toujours vu au cinéma dans la retenue et j'ai senti qu'il pouvait faire des choses très extraverties, très folles, se laisser aller. Il s'est étonné lui-même. Il m'a dit "je ne savais pas que j'étais capable de faire ça". Sara, j'ai essayé de l'amener vers la femme qu'elle est. C'était la première fois qu'elle jouait un rôle de femme "femme".

Le Manhattan Jazz Band en live, insuffle, avec l'esprit swing des années vingt, un rythme supplémentaire à la mise en scène. Pouvez-nous dire quelques mots sur ce trio, leur lien avec le théâtre ?
Je les ai entraînés un peu dans cette aventure car ils viennent d'un autre domaine. Ce n'est pas leur culture. Pour eux, c'est une expérience nouvelle. Au théâtre, il faut remettre son costume tous les soirs, refaire, à l'identique. Là, ils sont dans un exercice nouveau et ils ne peuvent pas se lâcher comme dans un concert.

Les décors imaginés par Jean-Marc Sthelé illustrent les années vingt. Avez-vous participé à la scénographie ?
Ça été un travail à deux. Bon ! Jean-Marc nous a quittés au mois d'août. C'était un immense décorateur. Peut-être le plus grand décorateur français. Un monsieur qui a fait de nombreux décors pour la Comédie française, l'Opéra. Et quand on s'est rencontrés, j'avais dans mon salon une photo d'un théâtre aux Etats-Unis complètement détruit. Je l'ai montrée à Jean-Marc en lui disant "Je voudrais que le décor soit un genre de théâtre". Et lui, est allé dans son atelier me chercher des photos du même théâtre détruit. Là, j'ai compris que l'on était sur la même longueur d'onde. Et Jean-Marc a ensuite inventé la scénographie.

En ces temps difficiles de crise économique, pensez-vous que le théâtre puisse être un lieu apaisant.
Je crois, en lien avec ce que vous dites, que le théâtre est un lieu qui abolit le temps. On est toujours visité par des fantômes durant un spectacle. En une heure et demie, avec Zelda et Scott, on parcourt vingt-cinq ans de vie. Ce n'est pas la vie telle qu'elle est, telle qu'elle devrait être. Au théâtre, on voit la vie comme on la rêve. Le temps n'existe plus et l'on dépasse la mort. Mon idée, au départ, était que les fantômes de Zelda et Scott reviennent et repartent à la fin.

Avez-vous des projets d'écriture de nouvelles pièces ?
Oui ! J'ai une pièce sur Machiavel que va monter Julien Sibre. Une comédie et très certainement un projet avec la même équipe. Les musiciens et les comédiens. Rien n'est écrit, j'ai mon idée, et eux aussi en ont envie.

Propos recueillis par Patrick Ottaviani
en septembre 2013





ZELDA & SCOTT
de Renaud MEYER

Mise en scène
Renaud MEYER

avec
Sara GIRAUDEAU
Julien BOISSELIER
Jean-Paul BORDES

et
le Manhattan Jazz Band
Xavier BORNENS

(Trompette)
François FUCHS
(Contrebasse)
Aidje TAFIAL
(Batterie)


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