Elle a imaginé un atelier-théâtre de dix enfants confronté à la préparation d’une improvisation autour de ce verbe « habiter ». Chacun dit ce que ce mot évoque en lui « et après on fait le tri ». Beaucoup d’idées, d’impressions, de sentiments sont ainsi exprimés. Ça part dans tous les sens. Ils ont un quart d’heure pour se concerter et cette échéance crée une tension. Comment chercher des idées sans perdre de temps ? La contrainte les fait réagir différemment selon leur tempérament :  motivation, enthousiasme, découragement, angoisse.

Et puis, peu à peu, les propositions s’enchaînent et des sujets graves alternent avec les idées drôles, absurdes, poétiques, oniriques.

ÉMILIE - On peut aussi habiter sous un pont, dans un parc, dans une ville en bordure d'un fleuve.
GABY - Ouais et dormir sur ou sous un banc, à même la terre ou l'béton.
FARID - C'est pas HABITER ça ! C'est pas avoir de toit !
DINA - Pourquoi ? Pour habiter un endroit, faut forcément des murs et des tuiles ?
ISAAC - Ben non, dans la canopée y'en a pas.
ARTHUR - Non mais quand même, faut une adresse non ? Un lieu rien qu'à soi ?
DINA - Je sais pas. Rien qu'à soi je sais pas.
JODY - On peut habiter à plusieurs.
BASILE - Dans un squat ouais !
HERMIONE - En coloc' comme ma sœur !
ÉMILIE - En famille.
ISAAC - Dans un camp d'réfugiés, en EHPAD, hôpital.
FARID - Mais c'est pas HABITER ça ?!
ISAAC - Ah non ? Et pourquoi ?
FARID - Ben, les gens qui sont là, là, ou là, ils ont pas choisi d'y être !

Les apprentis comédiens réfléchissent, proposent, argumentent, se moquent, se fâchent, se réconcilient, tout va très vite, pas de temps à perdre ! Et à force de cogiter, ils finissent par trouver une situation théâtrale qui devrait satisfaire l’animateur de l’atelier.

Sabine Tamisier réussit une passionnante mise en abîme, les personnages créant le texte qu’elle écrit et que les comédiens vont jouer, un texte d’une vingtaine de pages qui pourrait intéresser de nombreuses compagnies. Un beau sujet de réflexion qui pourrait aussi servir de base pour un atelier d’écriture…

Serge Cabrol 
(10/07/24)