Vieillir est un passage. L'adolescence aussi. La vieillesse renvoie aux souvenirs. L'adolescence ouvre sur tous les possibles. Joëlle Ecormier mêle les deux âges dans ce très beau roman.

Un vieil homme se sauve de la maison de retraite où il finit sa vie pour retourner dans la bibliothèque où, adolescent, il a été puni pendant les vacances d'été, obligé de travailler tous les après-midi afin de rattraper son retard scolaire. Terrible punition qui le prive de piscine avec ses copains mais lui permettra de découvrir un livre qui transformera sa vie. Il rencontrera aussi un "rat de bibliothèque" qui va l'aider à rédiger les résumés de tous les autres livres qu'il doit lire. Il pourra ainsi se plonger dans l'unique livre qui le passionne et va l'entrainer à la recherche d'un trésor.

Nous découvrons entremêlés les moments forts de l'adulte devenu cinéaste et l'origine de cette passion, une lecture fondatrice en ce lieu mythique qu'est la bibliothèque. Il me fallut beaucoup moins de temps que prévu pour terminer le livre. Lorsque je le refermai, j'avais les joues en feu. C'est de ce moment que data l'obsession de faire un film de ce livre. J'en voyais déjà les images.
L'absence du père - cet être mystérieux dont, enfant et adolescent, il ne sait rien - va hanter aussi l'adulte qui n'en saura pas plus. Elle dit : "Je ne veux pas que tu finisses comme ton père." Et bien sûr elle ne voulut pas me dire comment il avait fini. Je ne réussis à tirer d'elle que cette fausse réponse. "Il a commencé comme toi."

C'est un roman qui frôle le fantastique (surtout par l'un de ses personnages) et permet une réflexion sur le sens à donner à sa vie, sur l'importance d'avoir un objectif et de cheminer vers ce but, sur le rôle des rêves même les plus fous, ceux qui vont guider une vie et permettre de réaliser d'extraordinaires projets, sur la nécessité de couper avec le quotidien pour trouver son indépendance et ne pas s'engluer dans une vie monotone.

Dans la vie tout est relatif, ce qui peut être un défaut à certains moments deviendra une qualité à d'autres. On a toujours voulu me faire croire que j'avais un sale caractère. Mais finalement, ce qu'ils appelaient sale, c'était ce qu'ils n'arrivaient pas à dompter, à faire plier. J'étais le mauvais mouton, la mauvaise herbe. Je n'en faisais qu'à ma tête et pas à la leur. C'était cela qui les dérangeait. Lorsque je suis devenu artiste, et que pouvais-je devenir d'autre à part voyou, mon caractère est devenu soudain "original, atypique, génial". Et pourtant c'était le même cheval fou. La différence est que l'un est autorisé et l'autre pas.

Beaucoup de générosité mêlée d'une part d'égoïsme, de sagesse empreinte de folie, de douceur et de violence, des oxymores qui créent un roman passionnant pour les adolescents mais aussi pour les adultes. Un très bon moment de lecture où l'on s'attache à ce personnage, à sa personnalité atypique, qui englobe tous les âges de la vie avec toujours cette devise : Ne pas avoir d'ennuis, c'était la mort. Et moi je voulais être vivant.
Une belle leçon de vie.