Voir vieillir ses parents est toujours compliqué. C'est aussi un retour en arrière sur leur vie, sur notre vie, nos souvenirs communs, ceux des leurs que l'on n'a pas partagés…

Ahmed Kalouaz voyage de Bretagne jusqu'à Grenoble pour aller voir sa mère de 84 ans dont l'immeuble, où elle a vécu quarante ans, va être détruit. Un nouvel exil pour elle qui a quitté l'Algérie avec son mari après la mort de leurs deux premiers enfants.

Au fil de ce parcours, réalisé sur la mobylette bleue de son père, Ahmed Kalouaz a le temps de penser. Il revit les différentes étapes de la vie de ses parents, de son enfance, du racisme qui a toujours existé et qui ne s'éteint pas.

Beaucoup de tendresse pour cette femme qui a enduré de multiples épreuves tout au long de sa vie et a dû faire face à la pauvreté pour élever ses quatorze enfants. Elle ne sait pas lire alors que son fils lui écrit.

Ahmed Kalouaz nous permet de comprendre comment sa mère en est arrivée à ne plus aimer la France pleine de racisme et de mépris pour tous ces hommes qui ont donné leur vie au moment des guerres, pour ces hommes qui ont travaillé dans des métiers dangereux et épuisants : "[…] tu n'aimes plus ce pays je crois. Est-ce l'idée de la mort qui approche ? Dans ta tête s'est établie une frontière que je refuse pourtant d'admettre, même si, comme en tapisserie, tu tisses des regrets, tu caches des colères trop longtemps contenues. Tu me parles souvent des invectives, du racisme que nous avons subi. Ma mémoire a fait le tri. Toi tu penses aux couvre-feux des années soixante, aux humiliations qui ont été infligées à ton mari, à ce temps qu'il a passé auprès de toi, étranger partout, traité comme un moins que rien, avant de finir sur une dernière vexation, un outrage à la hauteur du manque de considération dont il a souffert toute sa vie. Une vie de labeur, pour une retraite aux allures d'insulte."

Elle ne comprend pas pourquoi elle a été rejetée ainsi que ses enfants toujours confrontés au racisme.
Elle s'investit maintenant dans la religion. Son fils ne suit pas le même chemin mais il la comprend.
Un beau texte d'amour filial où Ahmed Kalouaz ose écrire ce qui n'est pas toujours facile à dire, l'amour et l'attachement que nous portons à nos parents.
Cette lettre est très poétique, emplie de tendresse mais c'est aussi l'histoire de l'immigration en France vécue au cœur d'une famille originaire d'Algérie.

Brigitte Aubonnet 
(16/11/11)