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Marcus MALTE

Garden of Love



« Schubert est mort à trente et un an. Mozart à trente-cinq. Moi j’approchais des trente-sept et il y avait deux questions qui me taraudaient : Qu’est-ce que j’avais fait de ma vie ? Qu’est ce que je connaissais de l’amour ? Questions aussi banales qu’essentielles. Les réponses auraient dû m’achever. »

Un jour Alexandre Astrid, vieux flic à la dérive, entre deuil et alcool, reçoit par la poste un manuscrit très étrange qui pourrait être une version noire, troublante, voire diabolique, de son histoire personnelle.
Il y retrouve comme narrateur, étrangement travesti, son ami d’enfance l’obscur Edouard Mathieu Anthonin Dayms – «  Le père était un neurochirurgien réputé, la mère avait pour dot une des plus grosses fortunes du pays. Ces deux-là étaient destinés à convoler, avoir beaucoup d’enfants et vivre heureux et longtemps. Ça ne s’est pas passé comme cela. » – jeune homme devenu dans le manuscrit un alter ego Ariel/Mathieu aussi brillant que déséquilibré – «  Le diable c’est moi. Je l’ai mangé. » – qui possède un charisme et une emprise sur les autres tout à fait exceptionnelle. Face à lui, au cœur du récit, un certain rouge-gorge alias l’énigmatique Florence, mi-déesse et mi-putain – « Elle connaissait très bien la ville. Elle connaissait très bien les hommes. Elle avait déjà vécu plusieurs vies. Elle pouvait à l’occasion se parer d’ailes et prendre son envol, mais ça nous le savions. » – dont l’existence semble capturée dans un jeu de miroir en écho à celle de l’épouse défunte du flic sur la touche, pour mieux la déformer et l’engloutir.
Parfois aussi les deux enfants de l’ex-inspecteur Astrid, décédés dans un accident de voiture, apparaissent au fil des pages, tels des apparitions fantasmatiques. De quoi perdre la raison pour Alex renvoyé à son propre passé, à ses plus douloureux et violents vertiges, au risque de l’engloutissement le plus absolu.

Des morts aussi jalonnent ce noir récit, terribles. Nicolas, le frère handicapé et tant aimé de Florence, qui a péri brûlé avec ses parents dans la maison familiale ; Jona, la sœur semi-gémellaire d’Ariel, trop vite engloutie dans les marais ; le professeur Cyrillus, client de la belle, découvert au matin nu et mutilé dans les buissons.
Mais même le diable ne parvient pas toujours à ses fins et notre homme, étonnamment, donnera bien du fil à retordre au manipulateur pervers qui par son récit et sa machination machiavélique et folle semble poursuivre un but inavoué et obscur.
Le fonctionnaire de police usé et paumé a beau être au pire de sa vie, il n’en a pas pour autant mis son intelligence et son goût pour la vérité au vestiaire. Soutenu par la radieuse et complice Marie, amie d’enfance et belle-sœur, il résistera donc à la descente aux enfers, enquêtant, fouillant, fouinant, jusqu’à parvenir au cœur des événements et à leur signification cachée. Le lecteur, tout comme Alex, aura bien du mal dans ce labyrinthe fatal à retrouver son chemin, entre passé et présent, raison et folie, démesure et médiocrité…

Marcus Malte, comme dans son superbe roman « La part des chiens » (Zulma, 2003), sait à merveille se faire magicien, jouer de l’image poétique au cœur de l’horreur et de la tendresse au paroxysme de l’angoisse. Ballotté entre confidences intimes et mensonges, le lecteur est troublé par ces ombres mystérieuses qui traversent les ténèbres. On est fasciné par cette violence dont le sens échappe parfois mais qui trouve en cela un écho d’autant plus fort avec nos propres peurs enfouies. Le récit nous happe dans sa quête tendue du sens et de la vie. On est conquis par cet univers personnel, à l’imaginaire puissant, à la limite du fantastique, qui sait fouiller dans les failles les plus intimes de ses personnages et par ce « charme au sens fort qu’ici donne aux rêves la puissance des mots ».

Un superbe livre sur le passé, les remords, les sentiments mais aussi sur la folie. Un thriller au parfum d’outre-Atlantique métissé d’une musique très hexagonale. Un roman palpitant, audacieux dans sa forme, dont les personnages existent et nous accompagnent. Une vraie réussite pour cet auteur qui, décidément, ne nous déçoit jamais.

Dominique Baillon-Lalande 
(14/02/07)    



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Noir & polar









Éditions Zulma

320 pages - 18,50 €



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