Une fois encore, Florence Roche nous montre comment elle sait jouer avec les divers genres narratifs. Roman historique, roman d’amour, roman noir, secrets, mystères, mensonges, enquêtes, c’est tout cela qu’elle mêle et démêle pour le plus grand plaisir du lecteur.
Cette fois-ci, elle nous emmène au début du XVIe siècle après un prologue daté du 22 août 1498 qui nous plonge dans l’atmosphère de violence religieuse créée par l’inquisition de Torquemada, qui installe le décor de l’abbaye où se déroulera l’essentiel de l’intrigue et qui ouvre des pistes dont il faudra se méfier parce que ce serait mal connaître l’autrice que de penser que tout est aussi simple qu’il n’y paraît…
Ce 22 août 1498, on sonne à la porte de l’abbaye Sainte-Claire, près de Narbonne. Une voix en espagnol demande de prendre pitié du bébé. Quand sœur Radegonde ouvre la porte, elle trouve un enfant emmailloté dans les bras d’un garçonnet d’une dizaine d’années et près d’eux un panier rempli de bijoux. Nul doute qu’il s’agit encore d’une famille juive espagnole fuyant les persécutions et contraintes à l’exil par un décret d’Isabelle la Catholique. Des milliers de Juifs ont tenté de rallier le Royaume de France pour échapper à l’Inquisition. Lorsque la religieuse prend le bébé dans ses bras, « elle sent un objet dur dans son dos, sous les langes. Elle le démaillote. Une croix en or incrustée de diamants tombe en claquant sur le plancher. » C’est un reliquaire avec, dans une cavité vitrée, une dent. « C’est pour l’abbesse, murmure le garçon. Je m’appelle Aaron Azdrach. Nous venons de Barcelone. »
Une abbaye, un garçonnet, un bébé, un reliquaire : voilà les éléments d’un puzzle qu’il va falloir reconstituer…
Dès la page suivante, nous faisons connaissance avec Héloïse, une jeune fille de dix-huit ans, aussi belle qu’intelligente et courageuse, une parfaite héroïne que nous aurons plaisir à suivre au fil du roman.
Mais quel lien avec le prologue ?
L’abbaye tout d’abord, près de laquelle elle vit avec Madou, sa mère, et ses frères. Madou exploite une oliveraie et un moulin à huile. Héloïse y est heureuse mais ses dix-huit ans pourraient bien marquer un tournant dans sa vie.
Lorsqu’elle va livrer l’huile à l’abbaye, l’abbesse la prend en entretien : « Ce sont tes frères Aulbert et Paul qui auront le moulin. Ils feront comme aujourd’hui. Ils connaissent le métier. Paul s’occupera des oliviers et Aulbert de l’entretien du moulin. Tous deux feront la mise en tonneaux, en fûts ou en flacons. Toi, tu es une femme. Il faut te marier ou prendre le voile. » Héloïse demande à réfléchir…
Les événements vont s’enchaîner et faire remonter le passé à la surface malgré tous les efforts qui ont été faits pour l’étouffer.
En ville, Héloïse rencontre Aaron, l’enfant du prologue qui a été confié à un apothicaire dont il a pris la succession. Il faut dire que dix-huit ans ont passé depuis la terrible nuit de 1498 dont Aaron livre quelques bribes avant de mourir.
Héloïse serait-elle le bébé abandonné ? Elle est bien décidée à en savoir plus mais ce ne sera pas sans risques parce que le reliquaire est au cœur d’un terrible secret plein de fureur et de violence, de déception, de mensonge et de vengeance, un des secrets que le monstrueux comte Philippe de Burgos entend bien protéger par tous les moyens.
Deux personnages vont jouer un rôle important auprès d’Héloïse.
Antonella, une mystérieuse guérisseuse au visage caché par un masque tant il est épouvantable à voir, et Andréa un jeune et riche drapier dont Héloïse tombe amoureuse au premier regard.
Rien n’est simple dans cet enchevêtrement de crimes et de secrets et les rebondissements ne vont pas manquer au détour des chapitres. Florence Roche nous tient en haleine du début à la fin et nous offre une belle occasion de nous immerger le temps d’une lecture, dans l’atmosphère du XVIe siècle entre Narbonne, Carcassonne, Liège et Florence. Un régal pour les amateurs d’évasion et d’émotions.
Serge Cabrol
(02/10/24)