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Maïssa BEY

Hizya



Être une jeune fille est souvent une période compliquée mais être une jeune fille à Alger est encore plus difficile car le poids des traditions familiales est un frein terrible pour se vivre libre, pour s’assumer telle que l’on voudrait être.

Hizya porte le même prénom qu’une jeune femme qui est serait née en 1855 et serait morte à l’âge de 23 ans : « Elle aurait vécu une histoire d’amour mouvementée, couronnée par un mariage qui dura à peine un mois. »

Sayed son mari qui est désespéré de la perte de sa jeune épouse demande à un poète algérien, Mohamed Ben Guittoun, d’écrire un long poème en souvenir de son amour perdu.

Hizya, la jeune fille qui vit à notre époque a entendu ce poème chanté par des chanteurs bédouins algériens. Elle se met alors à rêver d’être aimée comme l’a été la jeune femme qui a vécu avant elle. Elle travaille dans un salon de coiffure alors qu’elle a fait des études, elle rêve d’un avenir et d’un amour exceptionnels et ne veut pas d’une vie toute tracée, celle qui attend toute jeune fille : « C’est ainsi que, de génération en génération, pour maintenir la tradition, des mères exercent leur pouvoir – le seul qui leur soit permis – sur d’autres femmes, d’autres mères, dans l’espace domestique – le seul qui leur soit réservé. » Hizya éprouve des sentiments contradictoires vis-à-vis de sa propre mère. Osera-t-elle s’opposer à sa famille ? Osera-t-elle voir la réalité en face ou se laissera-t-elle aveugler par le rêve de son amour idéal ?

Le livre est construit avec une voix extérieure, qui apparait en italique dans des chapitres en alternance avec le récit d’Hizya, et cette voix n’hésite pas à analyser le comportement, parfois ambigu, d’Hizya : « Ce que tu n’oses pas lui dire, c’est tout simplement que tu pourrais garder ces preuves ailleurs, sur ton lieu de travail par exemple, ou sur toi, ou encore dans ton téléphone portable, auquel elle n’a pas accès […] En fin de compte, c’est bien toi qui provoques ce genre de situation. Par ta lâcheté. Oui, ta lâcheté que tu préfères mettre sur le compte du respect ! C’est plus confortable. » Cette voix extérieure donne des conseils pour oser vivre en analysant l’attitude d’Hizya qui se voudrait indépendante mais n’arrive pas aller au bout de ses désirs. Il faudrait qu’elle s’en donne les moyens ce qui n’est pas toujours facile car elle doit combattre les règles familiales séculaires et casser l’image qu’elle donne aux autres. Se vivre rebelle est difficile.

Le roman évoque aussi tous ces jeunes diplômés qui ne trouvent pas de travail en Algérie : « Comment pouvez-vous encore croire que ce pays a besoin de nous ? Les plus pistonnés, les plus obstinés s’en iront. Les meilleurs aussi. Tant mieux pour eux ! Tant mieux aussi pour les pays qui vont accueillir et profiter de ces médecins sous-payés, ces ingénieurs performants, ces informaticiens doués pour la formation desquels ils n’auront rien dépensé ! » 

Nous découvrons aussi le rôle du père, des frères, avec des attitudes contradictoires, parfois ils surveillent, parfois ils soutiennent le combat pour l’indépendance.

C’est un roman passionnant qui révèle à la fois une histoire personnelle, une histoire familiale et l’histoire d’un pays attachant et complexe. Maïssa Bey continue, grâce à son parcours littéraire, à donner voix à ces jeunes femmes qui construisent leur chemin vers la liberté.

Brigitte Aubonnet 
(03/09/15)    



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L'Aube
(Septembre 2015)
346 pages - 21 €







Maïssa Bey
vit à Sidi Bel Abbes (Algérie), où elle se consacre à l'écriture.





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