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Véronique BIZOT


Âme qui vive


Quatre hommes qui habitent une région isolée se rendent visite de temps à autre. Fouks, auteur de théâtre ; Montoya, personnage mystérieux (il a peut-être travaillé pour les services secrets) installé dans la maison qu'il a achetée au peintre Haupt ; le narrateur qui est mutique et qui vit dans une ferme avec son frère. "Mon frère, je le perçois maintenant, détestait sans nul doute notre mère, de même, m'avait-il encore dit, qu'elle-même détestait certainement ses enfants, sans naturellement se l'avouer. […] Cependant, m'avait dit mon frère, nous ne l'avions au départ pas détestée, c'était sa détestation à elle qui nous était tombée dessus et avait fait de nous des enfants détestables." Les relations familiales sont souvent très complexes dans l'œuvre de Véronique Bizot.

L'univers de Véronique Bizot est toujours étrange, indéterminé mais passionnant car il est foisonnant de pistes de réflexions. Nous explorons le monde littéraire car le frère du narrateur est traducteur. Son éditeur est un peu désabusé : "La vérité, a-t-il déclaré, et je te le dis en confidence, je te le dis parce que tu n'es que traducteur et qu'il n'y a dans mon entourage que toi, semble-t-il, bref, la vérité est que j'ai maintenant quelque difficulté avec mes auteurs. Comment ça ? a demandé mon frère et Janvier a fait un geste d'impuissance. Eh bien, a-t-il dit, on dirait que je ne supporte plus de voir un seul de mes auteurs franchir cette porte. Et il a immédiatement précisé qu'il pourrait probablement s'en arranger s'il n'y avait aussi qu'il ne supportait plus de lire une seule ligne de ce que ses auteurs lui apportaient. Il s'était tout à coup aperçu de ça, a-t-il poursuivi, soudain lui avait comme sauté à la figure que ses auteurs et ce qu'ils écrivaient, tout lui était soudain devenu intolérable, et de manière irrévocable, a-t-il précisé en martelant la table de son index – j'ai sursauté." Nous voguons aussi dans le monde de la création théâtrale et picturale.

Véronique Bizot a une écriture très particulière et étonnante. On croit s'y perdre car les phrases s'étirent, s'étirent comme des fils qui semblent s'emmêler mais d'où émerge l'histoire qui nous tient en haleine. La solitude, les relations humaines étranges sont évoquées avec beaucoup de talent. Le sens à donner à sa vie est aussi au cœur du roman. La mère des deux frères, décédée dans des circonstances dramatiques ainsi qu'une partie de sa famille, a toujours rêvé de rencontrer les châtelains qui habitaient près de la ferme. Les rêves peuvent empoisonner une vie tout en étant bien éloignés de la réalité.

Il faut se laisser porter par le tourbillon des mots et des phrases qui nous emporte dans un monde où la frontière entre le réel et l'imaginaire est bien floue mais ce flou est un révélateur qui nous permet de percevoir la réalité sous un angle novateur.

Brigitte Aubonnet 
(13/02/14)    



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Éditions Actes Sud

(Février 2014)
112 pages - 14,80 €





Véronique Bizot





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