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Au cur de ce roman, il y a une photo, décrite dès les premières pages, une photo dont nous découvrons l'histoire depuis la prise de vue à Casablanca en 1924, dont nous suivons le voyage à travers le temps, dont nous voyons comment elle peut inspirer un artiste aujourd'hui, comment elle peut susciter l'étonnement, la réflexion, la révolte, la colère Isabelle est avec sa fille dans leur appartement de la région parisienne.
Elles contemplent des cartes postales étalées sur le sol, envoyées par le grand-père, Maurice, à
son ami Alexandre au fil de cinquante années de guerre, de voyages,
de mutations militaires. Le grand-père est mort (1930-2010), Alexandre
a donné la boîte à Isabelle, la petite-fille de son ami,
il lui a dit : "Tu peux retracer l'itinéraire et la chronologie,
toutes les cartes sont datées." Dans son atelier, le peintre Miloudi Nouiga travaille à partir de cette même image. Il l'imprime en vingt fois plus fois plus grand, la colle sur une plaque d'isorel et commence à la maculer de peinture et de brou de noix pour obtenir l'uvre reproduite en couverture du roman. Pourquoi ? Au fil de chapitres alternés, nous apprenons qui est ce peintre, quelle a été son enfance, comment il a découvert la couleur, la photo, le cinéma et ce que son travail exprime. Nous découvrons aussi l'histoire de cette photo prise en 1924, qui représente une jeune fille du Bousbir, le quartier des prostituées de Casablanca au temps de la colonisation. Photo reproduite en carte postale et vendue aux soldats pendant des décennies. Nous voyons Maurice, jeune militaire, à la veille du 1er de l'an 1953,
acheter cette carte pour l'envoyer à son ami Alexandre, puis traîner
dans le Bousbir, rencontrer Aïcha
Valentine Goby, avec beaucoup de pudeur et d'humanité, met en scène les corps, les regards, et les sentiments qui les animent. La jeune prostituée des années 20 qui ne s'appelait évidemment pas Khadidja. Le photographe qui a choisi le décor, les bijoux, mais aussi de ne la représenter que de profil. Le soldat qui a acheté la carte. La jeune femme qui regarde l'image achetée par son grand-père. Le peintre qui fait exploser sa couleur sur la photo et affirme : "Je veux qu'on se souvienne, c'est tout." Un roman court et puissant, tout le talent de Valentine Goby qui nous touche, nous surprend, nous entraîne, de livre en livre, depuis une douzaine d'années, sachant avec tant de justesse mettre les mots sur l'image du corps et les violences qui lui sont imposées. Un auteur à découvrir, à suivre, à accompagner. Serge Cabrol (17/02/14) |
Sommaire Lectures Babel (Août 2022) 136 pages – 17 € Ce livre a paru chez Alma éditeur en janvier 2014 Valentine Goby Bio-bibliographie sur Wikipédia Découvrir sur notre site d'autres romans du même auteur : Qui touche à mon corps je le tue Des corps en silence Banquises Kinderzimmer Pour la jeunesse : Le voyage immobile La porte rouge |
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