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Ce roman rend hommage au Loup des steppes d’Herman Hesse dont il reprend la structure : une préface de l’éditeur et le manuscrit du narrateur avec, enchâssée au milieu, la brochure dont le narrateur a la surprise de découvrir qu’il en est lui-même le sujet. Mais, ici, l’œuvre d’Herman Hesse est transposée dans la société contemporaine, nous ne sommes plus dans l’Allemagne des années trente mais dans la France d’aujourd’hui. Le roman met en scène un homme révolté en qui se déchirent deux conceptions de la vie, d’une part le professeur d’université de cinquante ans, bien installé dans un quotidien confortable et, en opposition complète, l’écrivain, le créateur, le révolté, « le chien rouge » qui ne demande qu’à s’exprimer dans toute sa rage et sa liberté. Qui l’emportera du bourgeois ou de l’artiste ? Dans une préface d’une vingtaine de pages, « l’éditeur » raconte sa rencontre avec Peter Seurg au cœur d’une forêt pyrénéenne où ils habitaient des maisons à une centaine de mètres l’une de l’autre. Ils se croisaient quand l’éditeur faisait sa promenade et Seurg son footing. Ils ont sympathisé et se voyaient de temps à autre pour converser. Dans ce « manuscrit » rédigé à la première personne, Seurg (ne serait-ce point l'anigramme de Ségur ?) raconte son travail à l’université, le dégoût de l’évolution de la société et la dépression qui l’a conduit à s’isoler dans une maison au milieu de la forêt. Un jour, il reçoit une invitation pour le « Barcelona Burning Bash » une de ces fêtes monstres, organisées sur les principes de la liberté d’expression radicale, de l’absence totale de tabous et du refus du mercantilisme. Le message, anonyme, propose un emplacement de tente pour un week-end de quatre jours aux quelques centaines de happy few admis uniquement par la voie des réseaux à ce genre de manifestations. Mystère, réflexion, suspense, on est entraîné par les interrogations de Seurg, ses colères, ses déchirements, ses excès d’alcool et de drogue qui lui permettent d’étranges rencontres… Avec ce roman profond, violent et parfois halluciné, Philippe Ségur poursuit un parcours littéraire exigeant, interrogeant la place de l’homme dans une société de moins en moins humaine et son rapport à l’amour et à la création. Une fois encore, l’auteur aborde un genre littéraire différent. Après la machine à remonter le temps, le faux récit de voyage ou la fable caustique, c’est ici la reprise d’une structure de roman préexistante. On ne peut que saluer la performance en se demandant ce qu’il va bien pouvoir nous concocter la prochaine fois. Voilà un auteur dont il faut découvrir l’œuvre dans son intégralité pour en apprécier l’étonnante alchimie entre constance et diversité. Après la lecture de ce poignant roman, on peut, en attendant le prochain, se plonger avec bonheur dans les huit précédents, parus chez le même éditeur et pour la plupart repris en collection de poche. Serge Cabrol (10/09/18) |
Sommaire Lectures Buchet-Chastel (Août 2018) 240 pages - 17 €
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