Le roman, premier d’une série de quatre portant chacun le nom d’une saison, est construit en une succession de chapitre courts alternant les voix de quatre personnages : May, Néo, Frederika et Y.

May et Néo sont jumeaux, vietnamiens par leur mère, si proches dans la petite enfance, si différents aujourd’hui. « La même grossesse dans le même ventre au même moment, le même patrimoine génétique, exactement la même tronche quand on était petits, la même éducation au même moment. Pourtant, le jour et la nuit. Sympa / pas sympa. Ouverte / fermé. Sociable / asocial. Enjouée / sombre. Curieuse / blasé. Belle / moche. Mince / gros. Surtout mince / gros. »
Néo supporte mal la façon dont sa sœur s’efforce de le faire disparaître de son quotidien parce qu’elle est devenue svelte et qu’il est insupportable d’être la sœur d’un « gros geek boutonneux ».
Néo se réfugie dans son monde virtuel, le joystick dans une main et l’autre dans un paquet de chips. Il a un copain, Jean-Philippe, d’origine asiatique comme lui (mais thaï même si tout le monde l’appelle « le Noich »), matheux et geek comme lui.

May donne beaucoup d’importance à son apparence physique. Boulotte quand elle était petite, elle a bien affiné sa silhouette. Sacrée « fille la plus populaire » du lycée en fin d’année dernière, elle occupe une place honorable dans une bande d’une dizaine de filles et de garçons mais ce n’est pas sans avoir suscité quelques jalousies notamment celle de Benjamine qui voudrait régner sur la bande et ne manque pas une occasion de lui balancer des vannes.
Toutefois, ce qui préoccupe le plus May, c’est un message anonyme : « Tu étais si jolie aujourd’hui… » signé Y. Elle ne répond pas, les messages continuent. Y semble bien la connaître : « Pas de cachette. De là où je suis, je te vois. »
Elle s’interroge. Une mauvaise blague de son frère ? Un prédateur ? Un timide qui tente une approche ? Quelqu’un de proche en tout cas.  Un membre de la bande ? Le copain de son frère ? Le prof de français ? Pour en savoir plus, elle décide de répondre et une correspondance s’établit…

La troisième voix est celle de Frederika, une fille rencontrée par May pendant une colo en juillet et qui fait sa rentrée dans le même lycée que May où elle ne connaît personne. Elle a pris conscience très tôt de son homosexualité mais sait très bien que ce n’est pas un sujet à aborder.
« Lesbienne, gay, homo, sexualité. Le vocabulaire dangereux pour ceux et celles qui se sentent traîtres. […] Cette famille de mots tabous qui nous paralysent dès qu'ils débarquent sur le tapis. En classe, lors des débats. Quand le prof de français a le malheur de parler de l'homosexualité de Verlaine ou de Colette, c'est comme une vague qui assaillit. Les homos persécutés et tués lors de la Shoah pendant les cours d'histoire. On ne pense plus aux millions de victimes, on pense à soi, seule face à la classe. Comme visée, moquée du doigt, placée sous un projecteur. Je sais que c'est le cas de toutes les personnes gays d'hier à aujourd'hui. Ne rien montrer, ne pas rougir. Faire comme si ces mots ne nous étaient pas adressés. Jouer les détachés. Effacer cette honte que l'on veut gratter, année après année, classe après classe. Cacher, faire semblant d'être comme eux. D'être normale, comme ils croient. Je vis avec cette honte depuis toujours. »

La quatrième voix est celle d’Y qui observe May et semble tout savoir de sa vie. « J'affûte mes griffes dans mon antre, en rêvant en silence de ma belle. J'en fais ici le serment, j'arriverai à la croquer. Je palperai sa chair, je connaîtrai son goût. Le goût de sa bouche, de sa langue, de sa peau. » Un personnage très inquiétant…

Les auteurs ont bien compris les préoccupations des ados qui se cherchent et se construisent hors du regard des adultes sans avoir toujours conscience des risques qu’ils prennent en naviguant dans l’univers trouble des réseaux sociaux. Le suspense est bien construit et maintient la tension tout le long du roman. C’est le premier volume d’une série dont le deuxième est annoncé pour janvier prochain. À suivre…