À la fois nouvelle, essai, poème, journal intime et carnet de voyage, Laurent Nunez revendique d’emblée l’aspect protéiforme de ce pamphlet drôle et provocateur.
Le livre s’ouvre par un conte, « parabole sur la vengeance, sur l’argent et sur la foi » dont le titre annonce l’humeur facétieuse de l’auteur : « Eugénie du christianisme ». Tout un programme de jeux de mots et de boutades.
Laurent Nunez classe les écrivains à l’aune de l’orgueil. Il y a ceux qui se voient petits (Pascal Quignard, Virginia Woolf), ceux qui ont l’orgueil modeste (Michon, Fritzgerald), et les tellement sûrs d’eux (Baudelaire, Marguerite Duras).
Pour débusquer l’origine de l’orgueil en littérature, Laurent Nunez remonte à Homère. En effet, Homère prétend que c’est une déesse qui chante la colère d’Achille au début de l’Iliade, une muse qui raconte les aventures d’Ulysse. « Ces récits mythiques, à en croire l’aède, nous les devrions à quelqu’un d’autre, à une autre entité, surhumaine toujours, Muse, Déesse, que lui seul entendait – et qui très gentiment lui obéissait. »

Laurent Nunez passe en revue la troupe des écrivains qui ont choisi de se désenorgueillir ; selon sa sœur, Blaise Pascal avait toujours dans sa poche un talisman qu’il lisait « à voix basse dès qu’on lui témoignait trop d’amitié, trop d’estime. » Sur ce papier elle put lire « il est injuste qu’on s’attache à moi quoiqu’on le fasse avec plaisir et volontairement. Je tromperais ceux à qui j’en ferais naître le désir, car je ne suis la fin de personne et je n’ai pas de quoi les satisfaire. Ne suis-je pas prêt à mourir ? »
Stendhal ajoutait après sa signature SFCDT qu’on peut à présent traduire ainsi « se foutre carrément de tout » car il détestait l’idée de réussir sa vie.
Flaubert invitait à écrire sur les murs :
« Les honneurs déshonorent ;
 Le titre dégrade ;
La fonction abrutit. »
D’autres anecdotes sur Hugo et Valéry nous les rendent sympathiques.
Quant à Racine, il abandonna l’écriture pour flatter le roi soleil.

Laurent Nunez a le sens de l’aphorisme, il nous en donne quelques-uns savoureux dans son journal de confinement. Ainsi, Freud notait « ce n’est pas la mort qui terrifie les hommes, aucunement, mais la certitude que le monde continuera ensuite, sans eux. »
Ou encore ce conseil tiré de l’expérience du divan de l’auteur : « Suivez une psychanalyse plutôt que des ateliers d’écriture. Vous apprendrez ainsi à ne plus chercher le beau rôle dans vos livres, à ne plus vous moquer de vos personnages, à vous méfier du premier jet comme des phrases toutes faites, à écrire des dialogues à double sens, à user avec discrétion de la métaphore et de la métonymie, à décrire sans ridicule des scènes très érotiques. »

Une lecture amusante et malicieuse, mais est-elle sans prétention ? Le lecteur en jugera….

Nadine Dutier 
(05/03/21)