Mais il y a aussi les bons moments. Ceux de la vie en famille dans la maison des courants d’air, « le seul endroit où nous n’étions pas des Négros, mes parents, mes sœurs et moi, mais des êtres humains ». Ceux de l’amitié avec Big Louis et Peg avec qui Martin se rend dans le bois de Redwood qui est leur domaine, leur salle de jeux. Ces trois-là se sont jurés fidélité et protection.

Quand Martin a 11 ans, c’est la guerre en Europe. Des Noirs s’engagent pour manger à leur faim et avoir une paye à la fin du mois. Mais aussi pour acquérir une dimension que la société ségrégationniste leur refuse. « Être humanisés en quelque sorte. C’est drôle, non ? Massacrer ses semblables pour se sentir enfin humain. »

Deux filles blanches fréquentent aussi Redwood. Elles se déplacent en calèche, possèdent chacune un poney, sont bien habillées, propres et élégantes. Pas question d’approcher ces déesses, le risque était connu : être lynché, blessé ou tué. Quand les fillettes sont retrouvées mortes dans le bois, la police vient arrêter Martin, le coupable idéal. Il est jugé et condamné à mort malgré ses treize ans.

Comme Martin, Georges Julius Stinney Jr fut le plus jeune noir américain accusé injustement de la mort de deux jeunes blanches et réhabilité en 2014. Martin nous parle soixante-dix-sept ans après son exécution, dans l’Amérique d’aujourd’hui. Ce récit très cru et sans complaisance de l’injustice et de la violence raciale nous met mal à l’aise nous les Blancs qui vivons « dans un monde protégé. Un monde blanc comme les nuages. Cotonneux et douillet comme eux. »

Les illustrations au fusain de Barroux ajoutent à la noirceur du récit. Des silhouettes sommaires mais inquiétantes, des gris qui renforcent l’impression de tristesse.
Conseillé à partir de douze ans.

Nadine Dutier 
(12/11/22)