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Fils d’un ancien mineur et amateur de randonnées en solitaire, l’Ostendais Alan Vandenberg décide d’aller en forêt de Viroindal visiter d’anciennes ardoisières souterraines « au fond desquelles, au dix-neuvième siècle, des hommes avaient risqué leur vie pour des salaires de misère » sur un site nommé le « trou du diable ». Soudain il glisse et se retrouve tout étourdi mais indemne au fond de l’une d’entre elles. Quand pour étudier de plus près sa situation l’homme explore la grotte à la lumière de son smartphone il découvre qu’il n’y est pas seul : un cadavre de femme gît à un mètre de lui. Pour lui l’exploration du jour tourne court et la police alertée prend les choses en mains. Comme toujours avec le duo d’excellence que forment Agnès Dumont et Patrick Dupuis, l’équipe de choc composée de ces deux policiers francs-tireurs et de Clarisse, la jeune journaliste qui depuis leur première enquête ne manque jamais de les rejoindre, est déjà en elle-même, littérairement parlant, d’une imparable efficacité. Que ce soit Roger le vieux grognon sentimental que l’on imaginerait bien sous les traits du Jean Gabin disant les répliques écrites pour lui par Michel Audiard, Paul le jeune policier qui manque d’assurance mais non de courage et de détermination qui a trouvé chez Roger l’image du père qu’il n’a pas eu ou Clarisse la fouineuse perspicace, audacieuse et militante qui fait soupirer d’amour le jeune commissaire qui n’ose toujours pas se déclarer, ils ont non seulement chacun leur personnalité et se complètent mais forment aussi un trio inter-générationnel lié par une véritable affection respectueuse. Ils croiseront dans Le trou du diable comme dans chacune de leurs aventures de nombreux, étranges et savoureux personnages. À ceux déjà évoqués précédemment on peut ajouter « un garagiste cinéphile très véreux et très bête » fou de voitures de collection, un notaire apparemment au-delà de tout soupçon, une femme de ménage bien curieuse, un vagabond aux manières élégantes qui n’a pas les yeux dans sa poche mais « ne veut en aucune manière avoir affaire aux flics »… L’autre constante des aventures de Roger et Paul est la découverte en fort bonne compagnie qu’elles nous proposent du territoire belge, ses régions, ses paysages, ses villes, de sa population cosmopolite, de sa culture et son patrimoine, dans toute sa spécificité. Ainsi, après Louvain-la-Neuve et Liège, le duo imaginé en deux mille vingt par Agnès Dumont et Patrick Dupuis nous embarque cette fois dans la région de Namur et la Wallonie où se trouve outre les ardoisières du trou du diable la cathédrale Materne et sa vierge noire de Walcourt. Encore quelques opus et cette série pourra être considérée comme un singulier guide touristique éclaté en plusieurs volumes. Cette série policière, assez classique et qui respecte les codes du genre, nous renvoie à de multiples reprises à des questions sociales, à notre environnement technologique, à notre société contemporaine et aux événements qui traversent son présent en écho à l’actualité la plus immédiate. L’urbanisme et la question immobilière sont ainsi plusieurs fois évoquées dans Le trou du diable, avec la villa Letellier venant illustrer le tourisme qui se développe sur les lieux de tournages des séries, avec la question de la spéculation foncière à Nismes ou la bétonisation de la côte belge. L’écologie, à travers la crue de l’Eau noire ayant provoqué en 2021 une importante inondation mais aussi de rapides dénonciations de la surconsommation et un duel assez savoureux entre les deux amis au sujet de la mal-bouffe et la gastronomie, n’est pas en reste. Le mouvement #MeToo en lien avec René Letellier et le Covid avec son « masque réglementaire apposé sur le visage tel une vignette de circulation sur un pare-brise suisse », parviennent aussi à s’y glisser. Le trou du diable est un roman policier efficace à l’intrigue crédible et validée par un ancien commissaire divisionnaire (comme tous ceux de la collection Noir corbeau), menée de façon efficace sur le rythme des révélations ou rebondissements qui s’enchaînent avec vivacité. La fantaisie et l’aspect ludique y sont manifestes. La langue s’accorde en de nombreux et vifs dialogues à la personnalité des protagonistes comme on le voit dans ce passage : Ce qui, outre l’écriture croisée du roman et cette inscription forte dans la Belgique déjà évoquée, fait la singularité du Trou du diable, c’est avant tout ce trio généreux, complice et amical plein d’audace et de drôlerie sur lequel reposent à la fois l’enquête elle-même et l’atmosphère chaleureuse et ludique qui lui sert d’écrin. Il y a là un aspect profondément humain dont le lecteur sent bien qu’il est au-delà de l’exercice et du jeu essentiel pour les auteurs. Dominique baillon-Lalande |
Sommaire Noir & polar Weyrich Collection Noir corbeau (Octobre 2022) 245 pages - 20 €
Découvrir sur notre site trois recueils de nouvelles d'Agnès Dumont : Mola mola À qui se fier ? Je je dis jamais non
Découvrir sur notre site deux recueils de nouvelles de Patrick Dupuis : Nuageux à serein Enfin seuls ? ainsi que les premiers volumes de leur série policière : Une mort pas très catholique Neige sur Liège |
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