Claude Pujade-Renaud est décédée dans la nuit du 17 au 18 mai et nous en éprouvons une grande tristesse. Nous avons beaucoup sympathisé avec Claude Pujade-Renaud dès la création d'Encres Vagabondes en 1994 et nous avons accompagné son parcours d'écriture jusqu'à ses derniers livres.

Au commencement était la danse
Au fil d’une longue conversation enregistrée en 1995, nous avons réalisé un entretien publié dans le N°7 de la revue autour du thème Danse et littérature (cliquer ici pour le lire dans son intégralité en version PDF).
Voici sa réponse à la première question : « Dans mon itinéraire il y a eu deux temps : de vingt à quarante ans j'ai enseigné la danse et j'ai réalisé quelques chorégraphies puis après quarante ans j'ai abandonné la danse et j'ai quelque peu fait le deuil de celle-ci à travers l'écriture. Rétrospectivement, je me demande si mon premier désir à l'adolescence n'était pas d'écrire. J'avais écrit, comme souvent les adoles­cents, des notations, des fragments. Je devais avoir le désir de laisser des traces secrètes, enfouies dans des petits carnets, je notais des réflexions sur des livres qui m'avaient frappée. J'ai aussi écrit une ou deux nouvelles. Peut-être ai-je fui ou contourné ce désir en me jetant à corps perdu dans la danse ? J'ai découvert la danse à 18-20 ans, donc assez tardivement, notamment avec Janine Solane, dans les années 50-55. Il y avait une base classique mais beaucoup plus respirée et réceptive à la musique que l'expérience que j'en avais. Ensuite, j'ai découvert la danse moderne contemporaine venue des États-Unis. Je fus tout à fait séduite par ce courant, travaillant sur les racines intérieures du mouvement, sur la respiration, la pulsation. J'ai suivi différents stages en Angleterre, en Allemagne et surtout aux États-Unis. J'ai été à l'école Martha Graham de New-York, j'ai suivi des cours dans la tendance Doris Humphrey. Ce fut pour moi la révélation : Doris Humphrey était morte, mais beaucoup perpétuaient ce courant avec une danse respirée, fluide, aquatique dans laquelle j'ai baigné avec un très, très grand bonheur. Je suis revenue en France et j'ai eu envie de transmettre mon expérience. Je me sentais plus pédagogue que créatrice en danse bien que j'aie composé des chorégraphies de groupe et que j'aie participé à des spectacles. Ma passion était d'imprimer une trace dans le corps de l'autre. Il y a là une similitude avec l'écriture, de par l'inscription de la trace. J'avais eu plaisir à sentir mon corps se métamorphoser et j'avais plaisir à ce que le corps de l'autre se transforme et modifie sa texture. C'est un bonheur fugitif, éphémère dont on perçoit la limite mais en même temps d'une grande plénitude. Toutes proportions gardées, on modèle un corps comme on écrit. On a l'impression d'une prise ou d'une emprise sur le corps de l'autre. Se laisser capter par le corps du professeur puis soi-même devenir professeur est passionnant. J'alternais tout le temps, je prenais des cours de danse et je réutilisais ce que j'avais appris dans les cours que je donnais. J'avais le sentiment d'inscrire, d'imprimer dans le corps de l'autre. En composant une chorégraphie avec sept danseuses, j'ai eu par moments l'impression de les agréger en un seul volume, une masse unique en mouvement : c'était très jubilatoire.
Mais le rapport au temps est différent dans la danse et dans l'écriture. Dans le plaisir du mouvement, il y a un moment où l'on peut se croire éternel et, parallèlement, la trace se dilue, se perd en partie. Il y a une qualité de rythme qui tient à tel ou tel corps, telle présence, telle occupation de l'espace. Est-ce que j'ai eu le désir de chercher une autre trace qui reste, apparem­ment, davantage inscrite, à savoir les signes sur le papier ? En même temps, on fait vite l'expérience qu'il n'y a rien de plus éphémère qu'un livre. On revient toujours au problème du temps et de la mort qui se retrouvent dans la danse comme dans l'écriture. »
Claude Pujade-Renaud a écrit deux livres sur la danse (réédités chez Actes Sud en collection Babel).
La danse océane (Babel, 2003)
Martha ou le mensonge du mouvement (Babel, 2009)

Les écritures mêlées
Les débuts littéraires de Claude Pujade-Renaud sont indissolublement liés à sa rencontre avec Daniel Zimmermann et le mieux qu’un lecteur puisse faire pour en avoir une idée est de se reporter au livre qu’ils ont écrit ensemble : Les écritures mêlées.
« Ils se rencontrent à la quarantaine. L'un a déjà écrit, l'autre non - elle a dansé. Peu à peu, s'épaulant, s'encourageant mutuellement, ils vont tout à la fois mêler et séparer leurs écritures, que celles-ci soient universitaires ou littéraires.
Vingt ans après, ils racontent cet itinéraire d'un couple d'écrivains. La passion, son intensité et ses avatars, tragiques ou comiques.
L'ancrage dans l'université de Vincennes à la grande époque, effervescente et novatrice, où tous deux enseignent entre 1970 et 1990. La difficulté d'écrire, ensemble ou solitairement, et le regard, stimulant ou critique, porté sur les textes de l'autre. Les péripéties éditoriales. La création de prix littéraires marginaux et l'aventure de la revue Nouvelles Nouvelles, une œuvre collective où l'amitié fut essentielle.
Chronique aussi de certaines mœurs universitaires et littéraires, cette «duobiographie» est l'histoire d'un grand amour fondé sur l'écriture. »
Claude Pujade-Renaud et Daniel Zimmermann, Les écritures mêlées, Julliard, 1995.
Le livre n’est plus disponible chez l’éditeur mais on peut encore le trouver d’occasion ou en version numérique.

Les livres

En 2007, Claude Pujade-Renaud avait déjà publié une vingtaine de livres et obtenu plusieurs prix littéraires (dont le Goncourt des lycéens pour Belle mère). Nous lui avons alors proposé un nouvel entretien plus axé cette fois-ci sur son écriture et les différents genres littéraires : roman, roman historique, nouvelles…
On peut trouver cet entretien en intégralité ici
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Nous avons chroniqué plusieurs de ses ouvrages sur ce site depuis 2004 et vous pouvez lire nos articles en cliquant sur les titres ci-dessous.

Chers disparus

Le Désert de la grâce

Les femmes du braconnier

Dans l'ombre de la lumière

Sans tambour ni trompette

Tout dort paisiblement sauf l’amour

3 chats, 2 écrivains


Pour une bio-bibliographique plus exhaustive, on peut se référer à sa page Wikipédia

Brigitte Aubonnet & Serge Cabrol 
(Mai 2024)