Nous retrouvons avec plaisir les personnages de Paul Fournel rencontrés au fil de ses précédents recueils. On connaît leurs prénoms et on les retrouve comme d’anciens amis. Trente-trois nouvelles courtes nous plongent dans cette ville intemporelle qui évolue quand même au fil des années. Les habitants vieillissent, se diversifient avec de nouvelles et de nouveaux arrivants et certaines habitudes sont bouleversées. L’humour de Paul Fournel permet aussi de mettre en évidence certaines dérives du monde contemporain.

On retrouve la méchanceté de Claudine qui est toujours aussi odieuse quand elle va en ville.
« Le piège s’était refermé sur la grosse Claudine. Lorsque le supermarché s’était implanté à la sortie du village de Chamoison, elle avait juré ses grands dieux qu’elle n’y poserait jamais le pied, moquant au passage les villageois qui pactisaient avec le Diable et allaient se pavaner entre les étals du monstre en poussant leur sorte de landau. Elle poursuivait même la veuve Wasserman de sa vindicte pour avoir publiquement déclaré que les prix du supermarché étaient plus avantageux. » 

La désertification des centres-villes est aussi évoquée et Mehdi l’agent immobilier aura sa solution. L’architecture d’une ville est à recréer pour trouver un équilibre avec la campagne. Une réunion d’urgence sur les « centres-villes dégradés » ne permet pas de définir facilement une solution pérenne.
« L’idée de construire des maisons autour du village pour que les gens de la ville viennent profiter de la vie à la campagne était une idée simple et qui parlait à tous. Mais tous n’y voyaient pas que des avantages. Les débats furent houleux et brouillons. Il y avait tout d’abord le clan de ceux qui étaient d’accord pour que tout change mais à condition que rien ne bouge. Il y avait les paysans qui ne voulaient pas voir les gens de la ville arpenter leur chemin avec leur bâton de ski. »…

La veuve Wasserman a toujours un pied avec les vivants et un pied avec les morts. Elle vit toujours dans son garage pour ne pas salir sa belle maison !

Le bon garçon n’a pas que de bonnes intentions avec sa mère. Il rivalise avec Claudine et réussit à être vraiment odieux. Claudine prend un malin plaisir à observer les sportives et les sportifs derrière les grandes baies vitrées de la nouvelle salle de gym. « Elle avait du mal à comprendre ce qui pouvait les pousser à marcher sans avancer et à pédaler sans aller nulle part, elle ne comprenait pas l’utilité de se faire des biceps énormes pour passer ses journées à taper des messages sur un clavier, mais elle était contente de les voir. » Elle finit pas être prise à son propre jeu.

Beaucoup de secrets sons enfouis derrière les murs mais le tatoueur les connaît bien. « Il aimait se montrer à la hauteur des rêves que les gens avaient pour eux-mêmes et qui leur faisaient mal. »

Le grapheur met de la couleur sur les murs et le juge terminera son réquisitoire par une belle pirouette.

Paul Fournel nous livre l’envers du décor, la nostalgie du passé, l’attirance pour le moderne, les habitudes et les évolutions, les défauts et les qualités des personnages… Ces habitants, tous très différents et proches de nous, ont chacun un regard particulier sur cette ville située en région qui a une belle âme avec ses richesses et ses travers.

L’humour s’invite très régulièrement. La dernière nouvelle, Le petit vieux, regorge d’un esprit malin pour évoquer le temps qui passe.

C’est un très agréable moment de lecture qui allie l’humour, la peinture de personnages par petites touches impressionnistes, la description des contradictions du monde contemporain et de ses dérives.

Brigitte Aubonnet 
(12/04/24)