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Caryl FÉREY

Plus jamais seul


Après nous avoir emmenés en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud et en Amérique latine, Caryl Férey revient vers la Bretagne pour retrouver Mc Cash,  le héros récurrent de ses premiers polars, un ancien flic borgne au cœur tendre, certes, mais capable de tuer sans états d’âme quand c’est nécessaire. Sa fidélité en amitié va le conduire en Grèce où mafieux et passeurs exploitent la misère des migrants fuyant des pays mis à feu et à sang ou laminés économiquement.

Mc Cash était jusque-là plus proche du loup solitaire que du papa poule, ayant toujours refusé de procréer, au grand dam de celles qui se seraient bien vues fonder un foyer avec lui. Seulement la nature reprend parfois ses droits et la volonté ne suffit pas toujours, surtout quand l’alcool atténue la vigilance. Bref, une lettre testamentaire lui apprend que Carole, dont il se souvient très bien, « frappée par un cancer, mourait désespérée, en lui laissant une gamine sur les bras : sa fille… Alice, une gosse de douze ans, qui d’après elle n’avait que lui. » La première réaction est bien sûr la colère mais il n’avait pas le cœur de la laisser à la Ddass.
« – Je te préviens, je suis nul en gosses, avait-il dit.
Alice avait haussé les épaules – comme si elle était bonne en parents. »
Et voilà le père et la fille en train de se balader sur la côte sud de la Bretagne, d’hôtel en hôtel, comme des vacanciers, en ce début d’été…

C’est intéressant pour mieux connaître Mc Cash, amusant et émouvant de voir le vieil ours confronté au caractère bien trempé de la pré-ado, mais ce n’est pas le sujet du polar. Le point de départ de cette nouvelle aventure, c’est un article de journal qu’il lit sur la plage pendant qu’Alice profite des vagues. On a retrouvé au large d’Alicante les débris d’un bateau de plaisance appartenant à Marc Kerouan. Son pote Marco, Marco-le-dingue, un avocat passionné de navigation qui a parcouru les océans pendant des années comme équipier ou skipper avant de renoncer à la compétition. Mc Cash ne l’a pas revu depuis très longtemps mais les souvenirs d’aventures et de beuveries sont toujours aussi vifs. Marco le pirate disparu en mer, il n’arrive pas à y croire.

La première partie du roman se déroule donc en Bretagne où Mc Cash va chercher à en savoir plus, remuant tout ce qu’il connaît, en tant qu’ancien flic, dans les différents services d’enquêtes sur les accidents en mer.
Il va aussi aux obsèques (sans corps comme souvent pour les marins) où il a la surprise d’apprendre que Marco a épousé Zoé, la sœur d’Angélique.
Angélique, « son » Angélique, dont il est toujours amoureux malgré les années qui ont passé depuis leur rupture.
Et le plus surprenant, c’est qu’Angélique se trouvait sur le voilier avec Marco. Le pirate ne naviguait pas avec sa femme mais avec sa belle-sœur.

Marco et Angélique, deux disparitions d’êtres chers, c’est trop pour Mc Cash qui remue ciel et terre pour avoir des informations. Ce n’est pas toujours sans mal et, rapidement, il comprend à ses dépens que son enquête dérange du monde.
Le bateau qui a coulé le voilier de Marco et ne s’est pas arrêté est un cargo reparti pour la Grèce.

C’est donc en Grèce que se déroule la deuxième partie du roman. Mc Cash confie Alice à la sœur de Marco qui a une fille du même âge et prend l’avion pour Athènes. Ses recherches vont mettre à jour des histoires bien troubles et violentes mêlant politiciens véreux, mafieux et trafiquants de migrants. « Après les armes et la drogue, le trafic d’êtres humains était le plus lucratif, un marché de dix milliards de dollars par an. L’Etat islamique et les guerres du Moyen-Orient avaient fait monter les chiffres. » Mc Cash s’attaque à du lourd, du très lourd et très dangereux mais il ne lâchera pas le morceau avant de savoir ce que Marco et Angélique venaient faire dans cette galère et ce qu’ils sont devenus.

Avec une écriture pleine de violence et d’émotion, Caryl Férey bouleverse son lecteur et l’entraîne page après page, sur un rythme infernal, dans une histoire terrifiante qui met à jour les ramifications de ces trafics dont les migrants sont la marchandise, transportés et accompagnés à prix d’or dans le meilleurs des cas, mais souvent vendus comme esclaves pour le travail ou la prostitution quand ce n’est pas en banque d’organes pour riches clients en attente de greffe. Tout ce qui s’achète doit pouvoir se vendre, tout ce qui rapporte intéresse les mafias, et les paradis fiscaux continueront encore longtemps à blanchir et abriter les fortunes constituées sur la misère humaine. Caryl Férey refuse de passer la noirceur sous un prudent silence et son enquêteur borgne au grand cœur garde son œil unique grand ouvert sur le monde qui l’entoure. Un polar aussi haletant que salutaire.

Serge Cabrol 
(14/02/18)    



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Noir & polar







Gallimard / Série Noire

(Février 2018)
320 pages - 19 €







Caryl Férey,

né à Caen en 1967, a beaucoup voyagé et publié une vingtaine de livres.



Bio-bibliographie sur
Wikipédia





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